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A Barcelone, une scène d’émeute interrompt un dîner en terrasse

Des touristes dînaient en terrasse quand des jeunes ont dressé et enflammé des barricades sous leurs yeux avant que la…

Des touristes dînaient en terrasse quand des jeunes ont dressé et enflammé des barricades sous leurs yeux avant que la police ne charge. Une des scènes de chaos vécue en plein centre de Barcelone vendredi soir.

C’est la quatrième nuit de troubles dans la capitale catalane depuis la condamnation à de lourdes peines de prison de neuf dirigeants indépendantistes pour la tentative de sécession de 2017.

Les sirènes de la police et des pompiers résonnent dans les amples avenues où les agents poursuivent les manifestants radicaux.

Et les touristes sont aux premières loges.

Peu après 22H00 (20H00 GMT), des serveurs ont à peine le temps de ranger des tables dans l’affolement sur une terrasse, quand des jeunes improvisent des barricades faites de conteneurs à déchets pour barrer la rue Rambla de Catalunya, juste sous les fenêtres d’un hôtel.

Quand elles commencent à flamber, les camions de la police nationale surgissent. Les agents anti-émeute tirent de multiples projectiles en caoutchouc et des centaines de jeunes, parfois mineurs, s’enfuient.

Un adolescent court, un pavé à la main, un autre jeune homme avec une planche en bois, un troisième avec une bouteille de verre bientôt lancée vers les camions de police, aux cris de « fils de pute ».

« On se défend d’eux! Les troubles commencent quand arrive la police », affirme un jeune, habillé de noir et le visage masqué.

Un Catalan prenant un verre sur la terrasse prestement évacuée, Miquel Toha, entrepreneur de 52 ans, commentait sans presque s’émouvoir, avant l’arrivé de la police: « les Catalans se sont lassés de tendre l’autre joue et nos enfants ont dit +basta+ », deux ans après le référendum d’autodétermination interdit, marqué par des violences policières.

Lui-même dit avoir marché sur une vingtaine de kilomètres vendredi pour participer à l’immense manifestation à l’ambiance festive qui a réuni un demi-million de personnes à Barcelone.

– « Qu’on isole les violents » –

Bien des Catalans se désolent en revanche que la violence gagne leurs villes, dont le propre « ministre » régional de l’Intérieur, Miquel Buch qui a dénoncé à la télévision « des groupes violents organisés en train d’agir à Barcelone, Gérone, Tarragone et Lerida ».

« Je demande qu’on isole les violents du processus indépendantiste » qui est « pacifique, respectueux, civique », dit-il gravement.

Depuis lundi, les jeunes séparatistes sont des milliers à participer, le jour, aux manifestations pacifiques, armés de slogans, de ballons ou encore de papier toilette.

Mais à la nuit tombée, des centaines de jeunes hommes mettent le feu à des barricades et lancent pavés, bouteilles et parfois cocktails Molotov vers les policiers.

La violence a atteint un niveau sans précédent récent, vendredi soir, quand des milliers de manifestants ont cerné durant des heures les policiers employant balles de caoutchouc, gaz lacrymogènes et canon à eau pour les disperser.

« Vous nous avez enseigné qu’être pacifiques ne sert à rien », clame un graffiti sur un mur d’un immeuble du centre, tout près de la place Urquinaona, où trois barricades en feu illuminent des centaines de jeunes manifestants. Des pierres, pétards et objets métalliques volent sur l’imposant cordon policier.

Juste à l’entrée du métro, un jeune se sert d’une planche métallique pour arracher des pavés du trottoir. Un peu plus loin, plusieurs déracinent un palmier pour l’emmener vers une barricade en feu.

– « Tout le monde nous ignore » –

Certains d’entre eux semblent des habitués de la confrontation avec la police et sont présentés comme des « anti-systèmes » par des Barcelonais. D’autres sont de jeunes indépendantistes fraîchement radicalisés, exhibant parfois « l’estelada », le drapeau sécessionniste catalan.

Une foule d’étudiants ou de simples lycéens accourent aussi pour manifester plus passivement, grimper sur les abribus, se prendre en photo devant les barricades, crier « Catalogne anti-fasciste » ou « les rues seront toujours à nous ».

Eduard, 23 ans, étudiant en ingénierie industrielle, expliquait jeudi anonymement à l’AFP, avant des troubles violents: « Il faut faire quelque chose parce que tout le monde nous ignore », nous, les indépendantistes qui représentons « la moitié de la population catalane ».

Beaucoup rejettent cependant les actes de violence. Un photographe de l’AFP a vu deux manifestants ayant cassé une vitrine se faire frapper par d’autres qui tentaient de les stopper.

Quand des jeunes affrontaient la police jeudi soir, sur l’avenue chic Passeig de Gracia, Victor Gonzalez, agent commercial de 47 ans, commentait: « La violence n’est bonne pour personne. Je ne les soutiens pas mais j’y vois une explosion de colère ».

« C’est comme si on te mettait le doigt dans l’oeil pendant des années et toi, tu te taisais et tu te taisais… », dit-il en référence aux sept années d’immenses manifestations sans incidents. « A la fin, on met les dirigeants du mouvement en prison… et ça explose ».

Et si survenait le premier mort du processus indépendantiste? « Ca me fait peur aussi », répondait-il.

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