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A l’Ecole du Parti, la Chine cultive les dirigeants de demain

Une "usine" à futurs dirigeants. L'Ecole centrale du Parti communiste est probablement l'établissement scolaire le plus mystérieux de Chine. Ses…

Une « usine » à futurs dirigeants. L’Ecole centrale du Parti communiste est probablement l’établissement scolaire le plus mystérieux de Chine. Ses étudiants sont des fonctionnaires amenés à accéder aux plus hautes responsabilités.

L’Ecole du Parti, généralement très discrète, a exceptionnellement ouvert mercredi ses portes aux médias étrangers, pour une visite bien orchestrée, où peu de place était laissée au hasard.

L’enseignement puise aux meilleures sources: dans une salle de classe, sur une vidéo projetée sur écran géant, Xi Jinping clame que « les eaux claires et les montagnes vertes sont aussi précieuses que les montagnes d’or et d’argent ». Les élèves écoutent religieusement les paroles du président. Ils assistent à un cours sur la « Pensée Xi Jinping et la civilisation écologique ».

L’actuel président a été le directeur de l’école avant de prendre les rênes du pays, suivant les traces de son prédécesseur, Hu Jintao. Même Mao Tsé-toung a occupé ce poste avant de proclamer la fondation de la Chine communiste, en 1949.

En hommage à ce prestigieux héritage, les espaces verts du campus, situé dans le nord de Pékin, s’ornent de statues d’anciens dirigeants et de slogans politiques.

L’établissement fondé en 1933 accueille chaque semestre 1.600 élèves environ, âgés en moyenne d’une quarantaine d’années. Tous sont déjà en poste dans l’appareil du régime, à l’image d’une porte-parole de la diplomatie, aperçue par un journaliste de l’AFP. Aucun n’a été autorisé à s’exprimer devant la presse.

« A travers l’éducation théorique et la culture de l’esprit du Parti, nous renforçons la solidarité au sein du Parti. Nous sommes là pour servir la gouvernance du Parti et celle du pays », explique le vice-responsable des affaires académiques de l’Ecole, Wang Gang.

– Des sujets tabous –

Au programme de la formation: des cours sur le marxisme-léninisme, la Pensée Mao Tsé-toung ou encore la Théorie de Deng Xiaoping – l’artisan des réformes économiques à la fin des années 70 qui ont amorcé le fulgurant décollage économique de la Chine – mais aussi sur l’économie, les questions militaires ou internationales.

Les absences en classe ne sont pas permises sans raison valable et la discipline est de rigueur sur le campus, selon les médias chinois.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2012, M. Xi a considérablement renforcé l’emprise du Parti communiste chinois (PCC) sur la société. Une ligne qui se retrouve dans la pédagogie de l’école.

« Nous interdisons évidemment toute discussion ou sujets qui iraient à l’encontre des grandes décisions prises » par les dirigeants, concède M. Wang.

Mais, assure-t-il, dans les cours « nous parlons aussi de la Révolution culturelle et de l’incident de Tiananmen pour mieux comprendre l’histoire et mieux choisir la voie à suivre ».

La « Révolution culturelle », longue période de chaos qui a mené le pays au bord de la guerre civile à partir de 1966, et la répression sanglante des manifestations de la place Tiananmen à Pékin en 1989, sont des sujets tabous aujourd’hui encore et largement censurés dans le pays.

Face au poids de l’histoire, le PCC assure tirer désormais sa légitimité de l’essor économique du pays, devenu en quelques décennies la deuxième économie mondiale.

« Nous constatons un intérêt croissant » des jeunes pour le Parti, assure Zhu Lingjun, le responsable adjoint en charge de la réflexion sur l’évolution du PCC à l’Ecole du Parti.

L’établissement, autrefois « coupé du monde » et replié sur lui-même, donne aujourd’hui davantage d’occasions à ses enseignants de se rendre à l’étranger pour des échanges, selon la presse chinoise.

Il compte également des visiteurs étrangers de renom comme la chancelière allemande Angela Merkel, l’ancien secrétaire d’Etat américain Henry Kissinger ou l’ancien secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Et les cours sont en phase avec l’actualité du moment – la guerre commerciale avec Washington.

« Les économies chinoises et américaines sont très complémentaires, l’approche adoptée par l’administration Trump consistant à appliquer des sanctions, des surtaxes douanières ne fera qu’exacerber les problèmes déjà existants », juge Yu Jun, vice-doyen de l’Institut international d’études stratégiques, intervenant à l’Ecole du Parti.

« Avec internet et l’intelligence artificielle, la façon de penser des jeunes générations est en train de changer », constate M. Zhu, le nez plongé dans ses notes.

« Nous devons réfléchir à de nouvelles façons de nous engager avec les jeunes générations ».

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