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A Montauban, des « gilets jaunes » s’emparent du micro

Dans un petit studio surchauffé près du centre de Montauban, Jean-Marie Filet, gilet jaune au corps, vérifie fébrilement ses notes…

Dans un petit studio surchauffé près du centre de Montauban, Jean-Marie Filet, gilet jaune au corps, vérifie fébrilement ses notes et ajuste son micro: il se prépare à interviewer en direct le maire d’une petite commune voisine.

« Quand j’étais jeune, j’ai participé à une radio amateur, alors quand l’idée d’en créer une a émergé, je n’ai pas hésité », raconte, les yeux rieurs, cet auxiliaire de vie de 56 ans qui dit « survivre dans la précarité ».

Comme lui, ils sont une petite dizaine d’hommes et de femmes, engagés dans le mouvement de « gilets jaunes » du Tarn-et-Garonne, à animer bénévolement « New Radio Gilets Jaunes 82 ».

« On participe à la vie d’une radio, mais on ne prétend pas être journalistes, on reste citoyens et +gilets jaunes » avant tout », explique David Gilabert, l’un des animateurs.

Cette webradio a vu le jour il y a près de trois semaines, à la suite d’un vote en assemblée citoyenne.

Quatre micros, un ordinateur, une table de mixage et du carton comme seuls rideaux. Le décor est spartiate, mais ce studio situé dans le marché-gare est source d’une grande fierté pour ceux qui lui donnent une âme. Les locaux ont été prêtés par la mairie mais les animateurs ont acheté le matériel.

David, Pascal ou Jean-Marie ont déjà accueilli des élus et responsables politiques de tous bords, allant du parti communiste au Rassemblement national. Mais aussi des « citoyens ordinaires qu’on n’entend jamais ».

Ce qui compte pour eux, c’est la « cause commune » qui les unit depuis le 17 novembre.

– « Réinventer une citoyenneté » –

Ce mercredi, c’est le maire PS de Montech, Jacques Moignard, qui a fait le déplacement. Fiscalité, pouvoir d’achat, inégalités sociales… Il est invité à réagir sur tous les thèmes phares chers aux « gilets jaunes ».

L’expérience des ronds-points a bouleversé David Gilabert, un commerçant cinquantenaire. « On a appris à se reparler, à s’intéresser à nos petites histoires qui n’intéressent personne. On a réussi à réinventer un langage commun, une citoyenneté ».

Et ce sont justement ces histoires « du citoyen qui souffre silencieusement » qu’il aspire aujourd’hui à diffuser plus largement.

Pour David, l’intérêt de cette radio n’est pas de concurrencer les médias dits traditionnels, mais d’apporter « quelque chose de nouveau, d’être là où il y a un manque à combler ».

Smartphone en main –pour enregistrer en direct ou même faire de petits films postés sur la page Facebook de la radio–, ses collègues et lui ne ratent aucune manifestation ou évènement « gilets jaunes ».

« Les gens nous parlent différemment qu’à la presse, ils nous disent plus de choses », assure David.

– « Sans filtre ni censure » –

Ainsi, pour Christophe Torrent, l’un des fondateurs, le projet de cette radio est également de laisser entendre un autre son de cloche.

« On a l’impression d’être mal compris par les médias, leurs chiffres sur les manifestations sont souvent rabaissés. Ce qui les intéresse est uniquement le sensationnel, les violences, et non pas le fond de notre cri de détresse », juge ce trentenaire, travaillant dans l’événementiel.

« Transmettre une parole directe, sans filtre ni censure », revient sans cesse dans son discours, comme s’il était animé par un devoir de porter la voix de ses anciens compagnons de ronds-points.

Ces animateurs en herbe revendiquent quelque 5.000 auditeurs depuis le lancement du projet le 21 janvier, mais il est encore difficile d’évaluer l’étendue du succès de cette webradio qui émet en continu, mais de la musique la plupart du temps.

« Le mouvement des gilets jaunes est né de la goutte d’essence qui a fait déborder le réservoir », lance, sourire aux lèvres, Pascal Serrier, estimant qu’il faut désormais savoir évoluer.

Et la radio est un excellent moyen pour lui d’y parvenir. Ce commerçant très actif dans la vie de la radio travaille à chercher des financements à long terme, « peut-être grâce à la publicité ».

Sans se projeter si loin, Jean-Marie, lui, s’estime chanceux de faire partie l’aventure, qui lui permet de « garder la tête hors de l’eau » et de passer moins de temps dans le garage où il habite.

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