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Afghanistan: les craintes d’un « mauvais accord » entre Trump et les talibans

L'accord de paix que les Etats-Unis semblent s'apprêter à conclure avec les talibans suscite les craintes d'une partie de la…

L’accord de paix que les Etats-Unis semblent s’apprêter à conclure avec les talibans suscite les craintes d’une partie de la classe politique et des experts américains, alarmés par l’empressement de Donald Trump à quitter l’Afghanistan au risque d’aggraver la guerre civile et de raviver la menace terroriste.

Le président américain a manifesté son optimisme vendredi sur les négociations pour mettre fin à la plus vieille guerre des Etats-Unis, 18 ans après les attentats du 11-Septembre qui ont déclenché l’intervention.

Plusieurs sources américaines ont laissé entendre qu’un accord pourrait être imminent dans les pourparlers de Doha avec les talibans. Le négociateur américain, Zalmay Khalilzad, devrait retourner dans la région dans les prochains jours dans l’espoir de le finaliser.

L’approche de cette échéance potentiellement historique provoque une levée de boucliers préventive à Washington.

A coups de tweets, d’interviews et de tribunes dans la presse, un front hétéroclite, qui va des néoconservateurs à d’ex-responsables démocrates, en passant par d’anciennes gloires militaires, met en garde contre un retrait précipité –et dicté par des considérations électoralistes– des 14.000 soldats de l’US Army déployés en Afghanistan.

Et appelle Donald Trump à faire comme en février, à Hanoï, avec la Corée du Nord: préférer « pas d’accord » à un « mauvais accord ».

« L’administration Trump ne doit répéter sous aucun prétexte l’erreur faite en Irak » par celle de son prédécesseur démocrate Barack Obama, « en acceptant un retrait total des forces de combat d’Afghanistan », a prévenu le général à la retraite David Petraeus, fort de son passé de commandant dans ces deux pays. Le départ d’Irak avait accéléré l’émergence du groupe jihadiste Etat islamique (EI).

– « Al-Qaïda va revenir » –

Cette agitation découle du flou autour de l’accord en préparation.

Ses principaux axes sont connus: retrait militaire américain contre l’engagement des talibans à ne plus autoriser Al-Qaïda ou l’EI à opérer sur les territoires qu’ils contrôlent, mais aussi d’un cessez-le-feu et de l’ouverture immédiate de négociations inter-afghanes incluant le gouvernement de Kaboul, avec lequel les insurgés refusaient jusqu’ici tout dialogue.

Le risque, c’est que cela permette certes le retrait –réclamé par l’opinion publique américaine, promis par Donald Trump et envisagé par plusieurs prétendants démocrates à la Maison Blanche– mais aggrave encore la guerre civile.

« Tout dépendra des détails », a souligné Laurel Miller, responsable de la diplomatie américaine pour l’Afghanistan et le Pakistan entre 2013 et 2017.

Or, sur ces détails, les spéculations vont bon train.

D’abord sur l’ampleur du cessez-le-feu, les talibans ne semblant initialement disposés qu’à une trêve avec les Américains, mais pas avec l’armée afghane.

Sur celle du retrait aussi: un départ total des Américains, exigé par les talibans, a au moins été sur la table et n’a jamais été exclu à Washington.

« Si nous quittons l’Afghanistan sans force contreterroriste », « l’EI va ressurgir, Al-Qaïda va revenir », « ils vont frapper notre territoire », a lancé le sénateur républicain Lindsey Graham sur Fox News.

« Il nous faut garder une présence américaine » avec « une force contreterroriste importante », a plaidé celui qui se targue d’avoir convaincu le président républicain de garder des troupes en Syrie.

– « Une guerre sans fin » –

Donald Trump a seulement promis le maintien d’une « très forte » présence du « renseignement » en Afghanistan, et certains dans son équipe plaident pour que de futures opérations contreterroristes puissent être menées depuis d’autres pays.

« C’est tout simplement impossible sans déploiement américain durable sur le sol afghan », a balayé David Petraeus dans une tribune écrite avec l’expert Vance Serchuk pour le Wall Street Journal.

L’autre crainte majeure concerne le calendrier. Donald Trump veut sonner le rappel des troupes avant l’élection présidentielle de novembre 2020 à laquelle il briguera un second mandat.

Mais certaines indications des derniers jours allaient même vers un retrait qui serait achevé autour de cette échéance électorale.

Fixer dès maintenant le calendrier du départ américain permettrait aux « talibans d’aborder les pourparlers interafghans en ayant déjà atteint leur principal objectif, et donc en position avantageuse », a déploré Laurel Miller dans le journal Foreign Policy.

Sans engagement clair des talibans pour rejeter Al-Qaïda et respecter, entre autres, les droits des femmes, et sans « mécanismes de vérification », « nous céderions le champ de bataille à nos ennemis, y compris à l’organisation qui a abrité les terroristes responsables de l’assassinat de près de 3.000 Américains le 11-Septembre », a martelé l’élue républicaine Liz Cheney.

Au Pentagone, on reste pour l’instant discret. « C’est une guerre sans fin, moche et compliquée. Ce sera probablement compliqué de sortir », estime une source militaire.

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