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Afrique du Sud: une ex-leader étudiante pour rajeunir la vieille garde de l’ANC au parlement

"Ma fille, ton sang est noir, vert et or". Nompendulo Mkhatshwa se rappelle les mots prémonitoires de sa mère quand…

« Ma fille, ton sang est noir, vert et or ». Nompendulo Mkhatshwa se rappelle les mots prémonitoires de sa mère quand elle était enfant. A 25 ans, elle est candidate à la députation en Afrique du Sud, le 8 mai, sous les couleurs du Congrès national africain (ANC).

Retour en 2015-2016: les universités sud-africaines sont agitées par une violente vague de contestation provoquée par la hausse des frais de scolarité.

Nompendulo Mkhatshwa, qui étudie la géographie à la prestigieuse faculté de Witwatersrand à Johannesburg, s’impose comme l’une des voix du mouvement grâce à son éloquence et son style, des cheveux retenus dans un foulard aux couleurs de l’ANC, le parti au pouvoir depuis 1994.

La fronde, regroupée sous le mot d’ordre #Feesmustfall (« les frais doivent disparaître »), prend un tour très politique. Les manifestants dénoncent la persistance des inégalités raciales dans l’éducation, un quart de siècle après la fin de l’apartheid.

Le mouvement a payé: les études supérieures sont désormais gratuites pour les étudiants issus des familles défavorisées.

Cette année, Nompendulo Mkhatshwa se lance dans une autre bataille. Electorale celle-là. L’ANC l’a adoubée et choisie parmi ses candidats aux élections législatives du 8 mai.

Une décision rare pour le parti au pouvoir, habitué à mettre en avant sa vieille garde auréolée des décennies de lutte contre le régime raciste blanc.

Nompendulo Mkhatshwa, élancée, très coquette et constamment les yeux rivés sur son téléphone, a toujours du mal à y croire. Elle se rappelle avec précision quand elle a été nominée, après des semaines de rumeurs.

« C’est devenu réel quand l’ANC m’a appelée » pour vérifier mon parcours, se rappelle-t-elle, talons hauts noirs et robe évasée noir, vert et or. « Le moment où je me suis dit +c’est OK, ça se produit+ est quand l’ANC a publié la liste des nominés » en mars.

La liste comprend au moins 20% de jeunes (moins de 35 ans), selon l’ANC.

– ‘Insuffler le changement’ –

Il est grand temps, selon Nompendulo, que la jeune génération prenne des responsabilités politiques, quand les moins de 35 ans représentent 65% de la population sud-africaine.

L’ANC, qui a fêté ses 107 ans cette année, « est une très vieille organisation (…) C’est notre devoir à nous, les jeunes du Congrès national africain, d’insuffler le changement que nous voulons voir au sein » du parti, estime Nompendulo.

« C’est très problématique que dans un pays avec tant de jeunes, ce soit encore un événement d’avoir de jeunes parlementaires », ajoute-t-elle.

Née dans une famille de classe moyenne en 1993, un an avant l’avènement de la démocratie, Nompendulo fait remonter sa conscience politique à un très jeune âge: elle avait 6 ou 7 ans.

Élève dans une école primaire de Pretoria majoritairement blanche, « je me rappelle de ce gamin qui m’a dit: +tu ressembles à un singe+ ». Ce genre de réflexion « vous force à prendre conscience, à agir ».

« Les micro agressions liées à la race sont toujours là », estime cette membre active des Ligues des jeunes et des femmes de l’ANC.

Selon les sondages, l’ANC est assuré de conserver la majorité absolue au Parlement lors des élections générales du 8 mai. Mais le parti de feu Nelson Mandela peine à attirer les jeunes électeurs.

Selon une enquête de la Fondation Ichikowitz publiée jeudi, 52% des jeunes électeurs ne lui font pas confiance.

En revanche, le parti de gauche radicale des Combattants pour la liberté économique (EFF) a su les séduire, capitalisant sur leur frustration dans un pays gangréné par le chômage, la corruption et les inégalités sociales.

Les EFF « attirent les jeunes qui sont mécontents des partis politiques traditionnels », explique la politologue Susan Booysen.

Leur chef Julius Malema affiche 38 ans, contre 66 ans pour le patron de l’ANC et chef de l’Etat Cyril Ramaphosa.

« Si on veut que les jeunes prennent en main la société », estime Nompendulo, « on doit être en mesure de diriger ».

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