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Algérie: premier procès pour corruption d’ex-dirigeants et patrons

Sans précédent, le procès pour corruption de deux anciens Premiers ministres algériens, jugés aux côtés d'autres ex-hauts dirigeants politiques et…

Sans précédent, le procès pour corruption de deux anciens Premiers ministres algériens, jugés aux côtés d’autres ex-hauts dirigeants politiques et de grands patrons du secteur automobile, s’est rouvert mercredi à Alger, en l’absence des avocats qui ont décidé de le boycotter.

Ce procès, très attendu, devant le tribunal de Sidi M’hamed, dans le centre d’Alger, avait été ajourné lundi, dès son ouverture. La défense avait fait savoir qu’elle boycotterait sa reprise, dénonçant une justice « politisée » et un climat de « règlement de comptes ».

« Les conditions dans ce lieu ne permettent pas aux avocats d’accomplir leurs missions et donc je vous informe que la défense a décidé de boycotter le procès », a expliqué mercredi Me Mohamed Madjdoub au juge, au nom de tous les avocats de la défense.

Le juge a alors demandé à ces derniers de quitter les lieux et décidé de poursuivre le procès.

La petite salle d’audience, qui ne peut contenir que 120 personnes, était bondée: avocats, témoins, journalistes et membres des services de sécurité…

– Anciens Premiers ministres –

Ce procès est le premier consécutif aux vastes enquêtes sur des faits présumés de corruption, déclenchées après la démission, en avril, du président Abdelaziz Bouteflika, poussé au départ par un mouvement (« Hirak ») populaire de contestation du régime inédit, après 20 ans à la tête de l’Etat.

Les accusés sont poursuivis pour diverses malversations et favoritisme dans l’industrie de montage de véhicules.

La jeune industrie automobile algérienne a été mise sur pied à partir de 2014, via des partenariats entre marques étrangères et grands groupes algériens, souvent propriétés d’hommes d’affaires liés à l’entourage de M. Bouteflika.

Malgré un cahier des charges loin d’être respecté par les industriels, le secteur a bénéficié d’aides publiques et d’importants avantages fiscaux, sans jamais atteindre son double objectif: réduire la facture des importations de l’Algérie et le prix des véhicules sur le marché local.

Dans le box, figuraient deux proches et anciens Premiers ministres de M. Bouteflika, incarcérés depuis juin: Ahmed Ouyahia, quatre fois chef du gouvernement entre 1995 et 2019, dont trois fois durant la présidence d’Abdelaziz Bouteflika, et Abdelmalek Sellal qui dirigea le gouvernement de 2014 à 2017.

Ce dernier a semblé fatigué, en veste bleu marine et sweat noir. M. Ouyahia, habillé d’un blouson bleu marine, est lui apparu en bonne forme et à l’aise devant l’auditoire.

C’est la première fois depuis l’indépendance de l’Algérie, en 1962, que sont jugés d’anciens chefs de gouvernement.

Les deux hommes ont argué que le tribunal n’était pas compétent pour les juger, la Constitution prévoyant que les crimes et délits commis par des Premiers ministres dans leurs fonctions relèvent d’une « Haute cour de l’Etat ». Mais la loi organique devant instaurer ce tribunal d’exception n’ayant jamais été promulguée, le procureur leur a rétorqué qu’ils devaient répondre de leurs actes devant la justice ordinaire.

– « Abus de fonction » –

Appelé le premier à la barre, Ahmed Ouyahia est accusé de « dilapidation des deniers publics, abus de fonction, octroi d’indus avantages à autrui, conflit d’intérêt, corruption, blanchiment d’argent et fausses déclarations ».

Il lui est notamment reproché d’avoir favorisé dans le secteur automobile certains industriels, ne remplissant pourtant pas le cahier des charges, au détriment de concurrents.

« Il n’y a pas eu de dilapidation (d’argent public) et le choix (…) était basé sur ce qu’il y avait sur le marché. Ces industriels étaient déjà présents et on a préféré les garder », s’est défendu l’ex-Premier ministre.

Egalement sur le banc des accusés, d’anciens ministres, comme Bedda Mahdjoub (Industrie et Mines), Youcef Yousfi, qui lui a succédé à ce poste, et Abdelghani Zaalane (Transports).

Parmi les hommes d’affaires, comparaissait Ali Haddad, ex-dirigeant de la principale organisation patronale algérienne, le Forum des chefs d’entreprises (FCE), et fondateur et PDG d’ETRHB, n°1 privé du BTP en Algérie.

On pouvait aussi reconnaître l’ancien vice-président du FCE Mohamed Bairi, PDG du groupe Ival possédant l’usine de montage algérienne de véhicules industriels Iveco, Ahmed Mazouz, président du groupe éponyme qui assemble et distribue en Algérie des véhicules de marques chinoises, ainsi qu’Hassane Arbaoui, patron de Global Group, qui gère l’usine algérienne de véhicules de la marque sud-coréenne Kia.

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