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Algérie: Saïd Bouteflika et deux ex-chefs du renseignement rejugés en appel

Condamnés en septembre à 15 ans de prison pour complot contre l'armée et l'Etat en Algérie, Saïd Bouteflika, frère et…

Condamnés en septembre à 15 ans de prison pour complot contre l’armée et l’Etat en Algérie, Saïd Bouteflika, frère et puissant conseiller de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika, ainsi que deux anciens patrons du renseignement et une chef de parti sont rejugés dimanche en appel.

Saïd Bouteflika, 62 ans, conseiller spécial de M. Bouteflika depuis l’élection de celui-ci à la présidence en 1999, avait vu son influence croître et son pouvoir se renforcer à mesure que la santé de son frère déclinait.

Au point d’être considéré comme le « président-bis » depuis l’AVC qui, en 2013, avait laissé M. Bouteflika largement paralysé et aphasique.

A ses côtés dimanche pour ce jugement en appel, se trouve le général Mohamed Lamine Mediene, dit « Toufik ». Jusqu’à son limogeage, il a dirigé pendant 25 ans le tentaculaire Département du Renseignement et de la Sécurité (DRS), structurellement rattaché à l’armée, mais dans les faits véritable « Etat dans l’Etat ».

Au faîte de son pouvoir, il était surnommé le « Dieu de l’Algérie ».

Dans le box de la Cour d’appel militaire de Blida, au sud d’Alger, seront aussi présents dimanche le général Athmane « Bachir » Tartag, ex-bras droit de « Toufik », à qui il avait succédé en prenant la tête de la Coordination des Services de sécurité (CSS), structure ayant remplacé le DRS démantelé, et Louisa Hanoune, secrétaire générale du Parti des Travailleurs (PT, trotskiste).

– « Vide » –

Incarcérés depuis le mois de mai, les quatre accusés ont fait appel de leur condamnation à 15 ans de prison pour complots contre l’autorité militaire et contre l’autorité de l’Etat. Le verdict avait été rendu le 25 septembre après un procès éclair.

La défense, qui dénonce un dossier « vide », souhaite un procès public, alors qu’en première instance seuls les avocats et les familles des accusés avaient eu accès au tribunal militaire de Blida, interdit notamment à la presse.

« Si le public avait eu accès à l’audience, il se serait aperçu (…) que l’affaire ne tient pas la route. Il n’y a pas de substance, pas de matière à susciter une quelconque condamnation qu’elle soit pénale ou morale », a déclaré à l’AFP Me Farouk Kessentini, avocat du général Mediene.

Les quatre ex-hauts responsables sont accusés de s’être réunis en mars 2019 pour mettre au point un « plan de déstabilisation » du haut commandement de l’armée qui demandait alors publiquement le départ du président Bouteflika pour sortir de la crise née du « Hirak », le puissant mouvement populaire antirégime apparu le 22 février.

Selon l’accusation, Saïd Bouteflika entendait s’appuyer sur les ex-patrons du renseignement pour limoger le chef d’état-major de l’armée, le général Ahmed Gaïd Salah, nommé en 2004 par M. Bouteflika et resté durant 15 ans un indéfectible soutien du chef de l’Etat.

Le 2 avril, Abdelaziz Bouteflika avait finalement démissionné, sous la pression de la rue et quelques heures après un ultimatum de l’état-major exigeant son départ « immédiatement ».

Pour de nombreux observateurs, les quatre accusés sont les vaincus d’une longue lutte de pouvoir ayant opposé sous la présidence Bouteflika l’état-major de l’armée et le DRS.

« Le dossier est complètement vide », a assuré à l’AFP l’avocat de Saïd Bouteflika et du général Mediene, Me Miloud Brahimi, ténor du barreau et défenseur des droits humains.

« Les chefs d’inculpation ne sont pas du ressort du tribunal militaire d’une part et, d’autre part, ne reposent sur rien », a-t-il affirmé.

– Changer « les données » –

Proche de la famille Bouteflika, Mme Hanoune reconnaît, selon sa défense, avoir rencontré Saïd Bouteflika, en présence de « Toufik », le 27 mars 2019, au lendemain d’un appel public du général Gaïd Salah au départ du pouvoir de M. Bouteflika.

Mais elle nie tout complot.

« Notre cliente n’a rien fait. Elle n’a fait qu’exercer sa profession de chef de parti politique », a commenté Me Boudjemaâ Guechir, son avocat.

« Ce n’est pas un crime d’accepter une invitation adressée par le conseiller du président ».

Les jours suivants, Gaïd Salah avait publiquement dénoncé des « réunions » visant à « comploter » contre l’armée. Deux semaines après le départ de M. Bouteflika, il avait nommément accusé le général Mediene de « conspirer » contre l’armée.

La défense des quatre accusés espère que le décès le 23 décembre à 79 ans de Gaïd Salah, qui a incarné la réalité du pouvoir entre le départ de M. Bouteflika et l’élection de son successeur Abdelmadjid Tebboune le 12 décembre, changera « les données » du procès.

« Celui qui était à notre avis à l’origine de ces poursuites a rendu l’âme », a expliqué Me Kessentini en référence à Gaïd Salah, appelant à « revenir à la réalité du dossier et à la réalité des textes pour constater que les inculpations ne tiennent pas la route du tout ».

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