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Après la mort d’un enfant dans un train d’aterrissage, un quartier d’Abidjan sur le point d’être rasé

Valises, brouettes, carrioles, sacs... Les habitants du quartier populaire d'Adjouffou vidaient lundi leurs maisons avant qu'elles ne soient rasées pour…

Valises, brouettes, carrioles, sacs… Les habitants du quartier populaire d’Adjouffou vidaient lundi leurs maisons avant qu’elles ne soient rasées pour instaurer un périmètre de sécurité autour de l’aéroport d’Abidjan, conséquence de la découverte le 8 janvier du corps d’un enfant dans le train d’atterrissage à Roissy.

Selon les premiers éléments de l’enquête, l’enfant âgé de 14 ans a sans doute escaladé un mur de l’aéroport puis s’est accroché aux roues de l’avion juste avant le décollage d’un vol Abidjan-Paris.

La semaine dernière, les autorités ont annoncé « la création d’un périmètre de sécurité, une bande de 200 mètres » tout autour de la clôture de l’aéroport. Le quartier d’Adjouffou, qui compte environ 25.000 habitants, va donc être partiellement détruit et le début des opérations devaient débuter lundi.

« C’est pas bon! On a rien. On fait quoi maintenant? Je ne vais plus à l’école. Regardez mon papa! », s’insurge Aicha Sawadogo 14 ans. Son père ramasse les dernières affaires de sa maison, un taudis aux murs en carton et bois. La jeune fille éclate en sanglots: « C’est pas bon, pas bon… »

L’eau a été coupée depuis trois jours. Sur certains murs, on voit l’inscription en rouge « AD » (à détruire). Lundi, les habitants qui avaient déjà commencé le déménagement les jours précédents, emportaient tout ce qu’ils pouvaient de leurs maisons, arrachant portes, fenêtres et toits. Le quartier semble avoir été dévasté par une tempête ou une explosion.

Francs Kablan, chauffeur routier, neuf bouches à nourrir, est désemparé. Il donne un coup de main à un voisin pour l’aider à enlever son toit. « Je suis là parce que je ne sais pas où aller. On a mis les affaires chez la famille de ma femme. Je suis né ici, 40 ans que j’habite ici. Avant, il n’y avait pas de mur, on voyait les avions. Il n’y a jamais eu de problème. L’enfant n’est pas passé par ici », estime-t-il.

– « Que le gouvernement ait pitié » –

« Tout le monde paie le prix pour une seule personne », crie une femme en écoutant M. Kablan.

« Que le gouvernement ait pité de nous. Nous, on est pauvre. On souffre déjà assez. On n’a pas d’argent pour louer. Mes affaires sont dispersées. Je ne suis pas allée à l’école ce matin », se lamente Epiphanie Djossou, 19 ans, élève de terminale. Amélie Djossou, sa grand-mère, habite le quartier depuis 50 ans. « Au début il y avait une maison par ci, par là. Maintenant c’est une ville. On ne sait pas où aller », dit-elle.

La mort du jeune Laurent Barthélémy Ani Guibahi, retrouvé le 8 janvier dans le train d’atterrissage d’un avion Roissy, a ému tout le pays, mais certains se sont aussi inquiétés des mesures de sécurité autour de l’aéroport dans un pays sous la menace jihadiste. La Côte d’Ivoire a été touchée par un attentat en mars 2016 (19 morts) dans la station balnéaire de Bassam proche de l’aéroport.

« Même un poulet quand tu le déplaces, tu prévois un autre endroit pour lui. Rien n’est prévu pour nous. Il faut des mesures d’accompagnement », affirme Abdul Ouattara, 41 ans, qui a toujours habité le quartier. « Quand on était jeune, on traversait la piste pour cultiver du manioc ou cueillir des mangues… On a toujours été ici. Il y a des écoles, des boutiques, des églises, des mosquées… »

Des sites pour reloger les expulsés sont à l’étude, avait assuré Hamed Diomandé, directeur de cabinet du ministre des Transports, la semaine dernière.

Le quartier d’Adjouffou se situe sur l’emprise de l’aéroport et donc des terrains appartenant à l’Etat même s’il se trouve à l’extérieur de la clôture.

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