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Au Cameroun, des leaders de l’opposition devant la justice pour être libérés

Les leaders de l'opposition emprisonnés au Cameroun devraient être remis en liberté samedi par un tribunal militaire au lendemain de…

Les leaders de l’opposition emprisonnés au Cameroun devraient être remis en liberté samedi par un tribunal militaire au lendemain de l’annonce de l’arrêt des poursuites par le président Paul Biya, plus enclin ces derniers temps à jouer l’apaisement car cerné par des crises multiples inédites en 37 ans de pouvoir.

Dans les rues de Yaoundé comme sur les réseaux sociaux, la question est sur toutes les lèvres: Maurice Kamto, le rival malheureux de M. Biya à la présidentielle d’octobre 2018, emprisonné depuis neuf mois, bénéficiera-t-il de cet accès de clémence du chef de l’Etat, qui a créé la surprise vendredi soir ?

M. Biya, 86 ans, a annoncé par un tweet l’arrêt des poursuites contre « certains » responsables de l’opposition, notamment ceux du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), le parti dirigé par M. Kamto, sans préciser si le célèbre avocat était concerné.

M. Kamto, arrivé deuxième lors de la présidentielle d’octobre 2018, conteste la réélection de M. Biya et c’est à la suite d’une des manifestations pour protester contre les résultats officiels de ce scrutin qu’il a été arrêté et emprisonné au côté de plusieurs de ses partisans en janvier.

Lui et plus de 90 de ses partisans sont, depuis, poursuivis par la justice militaire, notamment pour « insurrection », un crime passible de la peine de mort, même si celle-ci n’est plus appliquée au Cameroun. Leur procès s’était ouvert le 6 septembre et doit reprendre théoriquement mardi.

« Tous nos client inculpés et renvoyés devant le tribunal militaire et qui ont comparu pour la première fois le 6 septembre sont concernés par la décision du président de la République », affirme à l’AFP Me Sylvain Souop, l’avocat à la tête du collectif de défense de M. Kamto et de ses partisans.

Devant le tribunal militaire de Yaoundé, les militants du MRC commencent à affluer samedi, rapporte un journaliste de l’AFP sur place.

« Le sentiment est un peu mitigé car on n’a pas la liste complète de ceux qui vont être libérés, on espère c’est la totalité des détenus », confie Joseph Thierry Okala Ebodé, trésorier national adjoint du MRC.

L’annonce de l’arrêt des poursuites est intervenue quelques heures seulement après la clôture du Grand dialogue national, convoqué par M. Biya pour tenter de mettre fin au conflit séparatiste qui ensanglante les deux régions anglophones dans l’ouest du pays.

Le président avait déjà annoncé jeudi la fin des poursuites et la libération de 333 personnes arrêtées dans le cadre de la crise anglophone.

– Multiples crises –

« Le chef de l’Etat réaffirme sa détermination à poursuivre sans relâche ses efforts dans la recherche des voies et moyens d’une résolution pacifique des crises et différends auxquels peut être confronté notre pays », lisait-on vendredi soir dans un communiqué de la présidence.

Le Cameroun, pays perçu pendant des années comme un relatif havre de paix en Afrique centrale, est confronté aujourd’hui à de multiples crises.

Le nord du pays est sous la constante menace du groupe jihadiste nigérian Boko Haram qui multiplie les attaques contre l’armée et des civils.

Dans l’Ouest, dans les deux régions peuplées principalement par la minorité anglophone (16% des Camerounais), les combats et exactions des deux camps –groupes armés indépendantistes et militaires– ont fait environ 3.000 morts en deux ans, selon des ONG, et forcé plus d’un demi-million de personnes à fuir leur domicile, selon l’ONU.

A cela s’est ajoutée une crise politique inédite après la réélection très contestée de M. Biya en octobre 2018, qui a vu de nombreux Camerounais descendre régulièrement dans la rue pour protester avant la vague d’arrestations de janvier 2019.

– Pressions internationales –

Le Grand dialogue national que M. Biya a finalement concédé sur le conflit anglophone a débouché sur la proposition d’une forme de décentralisation accrue, qui reste soumise à l’approbation du chef de l’Etat, et l’élargissement de 333 détenus poursuivis cependant simplement pour des « troubles ».

Cet apparent changement de cap de M. Biya est sans doute dû en partie à des pressions internationales inédites depuis le début de l’année, à la fois sur la crise anglophone et sur le sort des opposants en prison, en particulier de M. Kamto.

Washington avait déclaré en mars qu’il serait « sage de le libérer », suivi de près par l’Union européenne, qui avait parlé de « procédure disproportionnée ». Ces appels avaient été rejoints quelque mois plus tard par la France, l’un des plus fidèles soutiens de M. Biya, longtemps restée silencieuse.

« Le président est bien conscient que le Cameroun est à la croisée des chemins parce qu’il fait face à d’importantes crises », commente pour l’AFP Richard Makon, un universitaire et politologue camerounais.

« Il était nécessaire qu’il prenne des décisions pour décrisper l’atmosphère », juge l’analyste.

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