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Au Malawi, les enfants rastas retrouvent le chemin de l’école publique

Dans son école primaire de Blantyre, Makeda Mbewe, 8 ans, est facilement repérable avec ses dreadlocks. Contrainte pendant deux ans…

Dans son école primaire de Blantyre, Makeda Mbewe, 8 ans, est facilement repérable avec ses dreadlocks. Contrainte pendant deux ans d’être scolarisée chez elle à cause de sa coiffure rasta, elle vient enfin de retrouver les bancs de l’école.

Sa chevelure a été au coeur d’une décision historique rendue par la Haute Cour du Malawi le 14 janvier.

Ce jour-là, la juge Zione Ntaba a ordonné aux 6.860 écoles publiques du pays d' »autoriser tous les enfants de religion rasta qui ont des dreadlocks à (y) être inscrits ».

Avant l’avènement de la démocratie en 1994 au Malawi, les dreadlocks étaient interdites dans ce petit pays d’Afrique australe. Elles l’étaient encore, jusqu’à ce jugement, dans les établissements scolaires publics sous prétexte que les enfants devaient avoir des coupes impeccables.

L’arrêt de la Haute Cour a été accueilli par les familles rastas avec soulagement.

« Je suis ravi de cette décision parce que ça m’enlève un sacré poids des épaules », explique le père de Makeda, Wisdom Mbewe, dont la plainte déposée contre l’Etat malawite avec 70 autres parents a lancé toute la procédure.

Pendant deux ans, « Makeda a suivi ses cours à la maison et cela me coûtait cher », explique le chauffeur de poids lourds.

Makeda avait bien été scolarisée un temps dans le public, mais au final, la pression avait été trop forte et sa famille avait dû se résigner à la retirer de l’établissement.

– « Super nouvelle » –

« On nous a dit de lui couper les cheveux, sinon elle ne serait pas admise à l’école », se rappelle Wisdom Mbewe, 40 ans.

Impossible cependant de l’envoyer dans le privé. A 210 dollars la scolarité annuelle, c’était hors de portée pour ce père de famille de trois enfants. C’est donc un enseignant qui a accepté de lui donner des cours à ses heures perdues, contre monnaie sonnante et trébuchante.

« C’était vraiment décourageant. Je suis un contribuable scrupuleux, et pourtant mon enfant n’était pas autorisé à aller à l’école publique » gratuite, témoigne Wisdom Mbewe, dreadlocks jusqu’aux épaules.

La justice vient finalement de lui donner raison.

« C’est une super nouvelle. On est tellement contents », témoigne un autre père, Ezaius Mkandawire, 40 ans.

« Ca fait tellement longtemps qu’on attendait ça. Vingt-cinq ans après l’avènement de la démocratie, nos enfants ne pouvaient toujours pas aller à l’école », ajoute-t-il.

« Toute une génération d’enfants n’a pas pu aller à l’école » publique, regrette-t-il.

La Haute Cour du Malawi a finalement reconnu « l’injustice endurée par beaucoup d’enfants rastafari », estime Anneke Meerkotter, du Centre pour la justice en Afrique australe.

– Education pour tous –

Inspiré de la Bible et de la spiritualité africaniste, le culte rastafarien, popularisé dans les années 1970 par le chanteur jamaïcain de reggae Bob Marley, compte de nombreux adeptes dans le monde, dont quelque 15.000 membres, parfois victimes de discriminations au Malawi, un pays de plus de 18 millions d’habitants.

Le jugement de la Haute Cour reconnaît le droit à l’éducation pour tous, se réjouit de son côté Ras Ray Harawa, un représentant de la communauté rastafari au Malawi.

La règle interdisant les coiffures rastas dans les établissements publics contrevenait à la Constitution du pays, constate Edge Kanyongolo, professeur de droit à l’université du Malawi.

La loi suprême « garantit de nombreux droits, y compris celui de pratiquer sa religion et le droit à l’égalité », dit-il.

Et c’est précisément pour des raisons religieuses que les rastafaris font pousser leurs cheveux, avant de les torsader en dreadlocks.

« Je ne peux pas comprendre en quoi cette coiffure peut offenser quiconque », poursuit Edge Kanyongolo. « Les règles devraient être modernisées pour être en conformité avec la Constitution parce que la Constitution est la loi suprême ».

La communauté rasta espère que cette décision historique aura des répercussions au-delà de l’école.

Ce droit à l’égalité devrait « s’étendre au milieu du travail (…). Les rastas doivent être employés. Si vous êtes qualifiés, vous devriez obtenir un entretien et être embauché avant qu’on vous fasse remarquer vos dreadlocks », souligne un rasta, Limbani Selemani.

En plus d’ordonner l’intégration des enfants rastas dans l’enseignement public, la Haute Cour du Malawi a ordonné au ministère de l’Education de proposer des cours de rattrapage aux enfants qui ont manqué l’école depuis septembre.

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