InternationalAFP




Au Mexique, être candidat peut signifier son arrêt de mort

Se présenter à une élection au Mexique, c'est "pratiquement une peine de mort", confie Mario Alberto Chavez, candidat à la…

Se présenter à une élection au Mexique, c’est « pratiquement une peine de mort », confie Mario Alberto Chavez, candidat à la mairie de Zumpango, dans l’Etat violent de Guerrero: récemment, alors qu’il dînait dans un restaurant, un homme armé a ouvert le feu vers sa table.

Par miracle, il a survécu à cette attaque du 18 avril, qui a blessé trois de ses collaborateurs. D’autres n’ont pas eu cette chance: 114 hommes ou femmes politiques ont été tués depuis le début, en septembre, de la campagne pour les élections générales du 1er juillet, selon le cabinet de consultants Etellekt.

« J’ai demandé plein de fois (aux autorités) de me donner des gardes du corps, mais ils continuent de m’ignorer », dénonce M. Chavez, 35 ans et père d’un enfant.

Candidat pour Nueva Alianza, branche dissidente du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) du président Enrique Peña Nieto, il a envisagé d’abandonner sa campagne après cette tentative de meurtre, accompagnée d’appels téléphoniques menaçants.

« Mais j’ai décidé que ça valait la peine de continuer, pour sortir ma communauté de la pauvreté et de l’insécurité », raconte le candidat, qui a toutefois dû s’adapter: « Nous avons décidé de ne pas faire de meetings, de faire (plutôt) du porte-à-porte » dans cette ville de 25.000 habitants.

La criminalité est un sujet central du scrutin de juillet, qui désignera le nouveau président et plus de 18.000 dirigeants aux niveaux fédéral, régional et local.

– Record d’homicides –

Depuis 2006 et le déploiement de l’armée contre les narcotrafiquants, plus de 200.000 personnes ont été tuées et 30.000 sont portées disparues. Le Mexique a terminé 2017 sur le triste record de 25.339 homicides.

Alors que l’élection approche, les candidats en paient le prix, ciblés par 417 attaques depuis septembre, selon Etellekt.

« Malheureusement, le Mexique est un pays qui vit une crise de sécurité depuis dix ans et aujourd’hui nous organisons l’élection la plus grande de notre Histoire », explique à l’AFP le président de l’Institut national électoral (INE), Lorenzo Cordova.

« Est-ce que le contexte de violence dans le pays contamine la politique? La réponse est oui, et c’est grave ».

Parfois, les motifs des meurtres semblent évidents.

Ainsi, le 8 juin, Fernando Puron, ex-maire de Coahuila (ville frontalière avec les Etats-Unis) visant un poste de député fédéral, a été assassiné à la sortie d’un débat où il avait vanté son combat contre le cartel de Los Zetas.

D’autres candidats paraissent avoir eu des liens trop proches avec les gangs.

C’est le soupçon à Juchitan, dans l’Etat d’Oaxaca: candidate au poste de conseillère municipale, Pamela Teran a été abattue le 2 juin. Elle était la fille du chef présumé de cartel Juan Teran.

– Campagne dans la peur –

Mais la plupart des meurtres restent inexpliqués et impunis, forçant nombre de candidats à faire campagne dans la peur. Dans l’Etat de Guerrero, 496 d’entre eux ont déjà renoncé.

Sur les 49 demandes de gardes du corps transmises au niveau fédéral pendant la campagne, seules 12 ont été accordées, cinq ont été rejetées et 32 restent en attente, selon le chef de la Commission nationale de sécurité, Renato Sales.

Alors, certains candidats prennent en main leur propre sécurité.

C’est le cas de Nestora Salgado, candidate au Sénat à Guerrero pour Morena, le parti de gauche du candidat favori à la présidentielle, Andrés Manuel Lopez Obrador.

Ancienne commandante d’une unité de « police communautaire » – des civils prenant les armes pour remplacer la police et protéger leurs quartiers -, elle mobilise plusieurs dizaines de ses membres comme gardes du corps. Sa demande pour des gardes officiels a été rejetée alors même qu’elle dit avoir reçu des menaces et trouvé des chiens décapités devant sa maison.

« Je tiens le gouvernement responsable de ce qui continue de nous arriver » comme candidats, dit-elle.

Pour le directeur d’Etellekt, Ruben Salazar, la violence visant la campagne est liée à la fragmentation des cartels: « Les nouveaux qui émergent… cherchent le soutien de nombre de ces candidats. Et ils se débarrassent de ceux avec qui ils n’arrivent pas à nouer d’accord ».

Et quant aux candidats promettant d’incarcérer leurs prédécesseurs pour corruption, « cela peut générer des attaques par vengeance ».

Suivez l'information en direct sur notre chaîne