InternationalAFP




Au Nigeria, la corruption racontée aux enfants dans un livre

Emeka, le personnage principal du livre pour enfants de l'auteure nigériane Onyinye Ough est "quelqu'un de bien qui travaille pour…

Emeka, le personnage principal du livre pour enfants de l’auteure nigériane Onyinye Ough est « quelqu’un de bien qui travaille pour un gouverneur ». Il ne ressemble pas à ceux que l’on imagine corrompus dans leurs grosses voitures et grandes maisons.

Le fonctionnaire ne réalise même pas qu’il participe à la grande chaîne de la corruption lorsqu’il recommande un ami à son patron pour réaliser un travail de voirie.

Il ignore que la compagnie de BTP devra elle-même payer un énorme pot-de-vin pour remporter le contrat et qu’elle n’aura plus assez d’argent pour payer un matériel de qualité pour la route.

Il ne se doute pas qu’il causera ainsi indirectement un grave accident.

« Le message-clé de cette histoire, c’est que la plupart du temps, les gens ne sont pas ‘mauvais’ mais ils ne se rendent pas compte de ce qu’ils font », explique l’écrivain à l’AFP. « C’est différent de la ‘grande corruption' », dit-elle.

Au Nigeria, pays pétrolier de 180 millions d’habitants et parmi les derniers au classement de Transparency International, la corruption est malheureusement à tous les niveaux de l’échelle.

Elle fait partie du quotidien, des quelques milliers de nairas « offerts » aux agents de police pour améliorer leurs fins de mois, ou à ceux glissés aux services administratifs pour accélérer les procédures.

Favoriser un ami ou un associé pour un emploi ou un appel d’offre est chose courante.

Et, au sommet de cette pyramide sociale, gangrénée par les pétro-nairas, se trouve ce que Mme Ough appelle la « grande corruption »: les centaines de milliards de dollars disparus dans les trous noirs des caisses de l’Etat depuis les débuts de l’extraction de pétrole dans les années 1960.

– « Norme sociale » –

Dans son livre pour enfants (L’argent d’Emeka), sorti début septembre, Onyinye Ough a décidé, par un exemple simple, de raconter les rouages de la corruption aux 6-10 ans.

« Trouver des moyens d’éduquer les enfants à ces problèmes me passionne depuis des années », raconte-t-elle. « Et récemment, j’ai remarqué comment la corruption était devenue acceptable culturellement, une norme sociale. »

« Du coup, je me suis dit, pourquoi ne pas changer cette norme dès le plus âge, en leur racontant comment ce comportement peut, en fait, faire du mal? ».

veut mettre en lumière cette culture du népotisme communautaire, ancrée dans la société nigériane, où n’importe quelle personne qui réussit est redevable à son entourage.

Le livre veut détruire l’idée que cette forme de corruption « rapporte », explique l’auteure, qui est également à la tête d’une organisation de la société civile pour la promotion de la bonne gouvernance, Step Up Nigeria.

Cette publication arrive alors que les Nigérians se préparent à voter pour un nouveau président, un nouveau parlement, des gouverneurs d’État et des assemblées au début de l’année prochaine.

Le président Muhammadu Buhari, qui se présente à sa propre succession, avait fait de la lutte contre la corruption la priorité de son premier mandat mais ses résultats sont vivement critiqués.

Malgré de nombreuses personnes mises en examen, des biens ou des comptes bancaires saisis (souvent dans le camp de l’opposition), aucun suspect important n’a été condamné.

Toutefois, la bataille contre la corruption est officiellement lancée et les groupes de la société civile font de plus en plus pression sur les élus pour qu’ils justifient leurs dépenses publiques.

Le gouvernement a également déployé des efforts pour mieux récolter les impôts, autre grand fléau de ce géant économique du continent africain.

Pour Mme Ough, le fait que plusieurs enquêtes contre des Nigérians ont été ouvertes à l’étranger (Italie, Grande-Bretagne) ou le durcissement de la législation contre le blanchiment d’argent annoncent des poursuites.

Mais avec un Nigeria classé 148e sur 180 selon l’indice de perception de la corruption 2017 de Transparency International, c’est toute une société qu’il faut changer. .

Suivez l'information en direct sur notre chaîne