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Au Sénégal, les arts martiaux travaillent au corps les lutteurs traditionnels

"Reug-Reug" déborde de confiance avant son premier combat d'arts martiaux mixtes. Les promoteurs de cette discipline ultra-violente comptent sur des…

« Reug-Reug » déborde de confiance avant son premier combat d’arts martiaux mixtes. Les promoteurs de cette discipline ultra-violente comptent sur des champions venus comme lui de la lutte traditionnelle pour lancer leur lucrative industrie au Sénégal et en Afrique.

« Tu ne vas pas tenir une minute », lance Reug-Reug, biceps gonflés sous son survêtement vert, à son futur adversaire, le Marocain Sofiane Boukichou, lors d’une présentation à la presse avant leur combat. Le Sénégalais a presque tenu parole et terrassé le Marocain, « El Torro », par KO à la 2e reprise samedi.

Le colosse Reug-Reug, alias Oumar Kâne, 27 ans, fait partie d’un certain nombre de cracks de la lutte sénégalaise à céder à l’attrait nouveau des arts martiaux mixtes (Mixed Martial Arts, ou MMA, en anglais), mélange de pugilat et de lutte au corps à corps. Le secteur brasse des milliards de dollars abondés par des audiences de millions de téléspectateurs à travers le monde.

La société Ares Fighting Championship, fondée par des anciens de la discipline, organisait samedi une douzaine de combats à Dakar, la capitale sénégalaise, sur le parvis du Musée des civilisations noires. A l’affiche: Reug-Reug donc, mais aussi Moussa Togola, parmi des spécialistes de la discipline.

Reug-Reug et Moussa Togola se sont fait connaître dans la lutte traditionnelle sénégalaise, sport national avec le football, plongeant ses racines dans les exercices de préparation à la guerre.

Les lutteurs traditionnels sénégalais s’affrontent mains et torse nus, en pagne, dans des stades pleins et devant les caméras retransmettant en direct. Les combats à même le sable sont imprégnés de pratiques mystiques. Les lutteurs portent des grigris et sont enduits de liquides présentés comme magiques. Les coups sont autorisés (« lutte avec frappe ») ou non.

Les vainqueurs peuvent gagner des centaines de milliers d’euros dans un pays dont 40% des habitants sont pauvres selon la Banque mondiale.

– Une mine –

Mais les combats de lutte avec frappe se raréfient, les cachets élevés et les violences dans les stades dissuadant les promoteurs, disent les spécialistes.

Se battre dans les cages des différents promoteurs MMA peut être une aubaine. Pour les organisateurs en retour, c’est le moyen de développer leur sport en Afrique et de dénicher de futures stars.

« Il y a beaucoup de potentiel en Afrique », dit à l’AFP Fernand Lopez, promoteur et entraîneur.

Le Sénégal est une mine aux capacités sous-exploitées, renchérit le Français Ghislain Brick, détecteur de talents et de contrats. « Il n’y a qu’à voir les plages le soir », dit-il en faisant référence au spectacle des dizaines de lutteurs s’entraînant quotidiennement au bord de l’Atlantique à Dakar.

Américains, Brésiliens, Russes ou Irlandais dominent les MMA. Mais les Africains se font de plus en plus visibles.

Francis Ngannou, né au Cameroun et entraîné par Fernand Lopez, est deuxième challenger dans la catégorie poids lourds du « Ultimate Fighting Championship », la plus importante société de promotion aux Etats-Unis. Israel Adesanya, du Nigeria, fait aussi parler de lui.

« Le Sénégal a la capacité de produire de vrais champions », dit Lea Buet, judokate française qui a organisé des combats MMA pour des lutteurs sénégalais.

– Inquiétudes –

Le champion sénégalais Serigne Dia, dit « Bombardier », a déjà tenté l’expérience.

L’attraction exercée par les arts martiaux mixtes suscite des inquiétudes pour l’avenir de la lutte. Les lutteurs sénégalais peuvent bien gagner leur vie. Mais leurs revenus souffrent de la comparaison avec les millions de dollars que peut toucher un champion de MMA.

Fernand Lopez se veut rassurant: la popularité des arts martiaux mixtes va rejaillir sur la lutte en « apportant des emplois et plus de visibilité », dit-il.

Les arts martiaux mixtes sont encore peu connus au Sénégal. Mais ils intéressent de plus en plus de jeunes, confirme Moustapha Diop, directeur en Afrique de l’Ouest de Lionheart, organisation impliquée dans les MMA.

Gaspire Diatta, 28 ans, un champion local, agent immobilier à la ville, dit pratiquer la lutte depuis l’âge de 5 ans. Il s’est tourné vers les MMA il y a un an et dit avoir été approché par des détecteurs.

« Je me vois champion dans deux ou trois ans », promet-il.

Le tournoi de samedi devait être retransmis en streaming, une première pour le Sénégal. « Des millions de personnes vont découvrir le Sénégal », dit Fernand Lopez.

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