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Au Sénégal, un restaurateur part en croisade pour le zéro plastique

C'est surfer sur l'Atlantique qui a fini d'ouvrir les yeux de Babacar Thiaw. Aujourd'hui, son restaurant, le Copacabana, revendique d'être…

C’est surfer sur l’Atlantique qui a fini d’ouvrir les yeux de Babacar Thiaw. Aujourd’hui, son restaurant, le Copacabana, revendique d’être le premier à avoir fait la transition vers le « zéro plastique » à Dakar, capitale africaine étranglée par la pollution et les déchets.

Il y a dix ans, Babacar Thiaw ondoyait et glissait avec d’autres sur les vagues au large de la plage de Yoff. L’idée d’un restaurant écologique lui est venue là, parmi les dizaines de bouteilles de plastique que l’océan charriait autour de lui.

« Le tournant des années 2010 a été terrible. Sur cette plage, on ne peut pas mettre un pied dans l’eau sans en sortir un sachet en plastique », déplore le désormais gérant du Copacabana avec un sourire triste.

En moins de 20 ans, ce trentenaire a vu certaines plages sur lesquelles il jouait, enfant, prendre des airs de décharges à ciel ouvert. Alors étudiant en master de gestion, il se sentait impuissant face à la catastrophe.

En 2016, l’avenant jeune homme a repris le petit restaurant sans prétention qu’avait ouvert son père dans les années 1970. Les plats locaux y jouxtent les mojitos. Depuis janvier, son établissement niché sur la plage du Virage, dans le nord de Dakar, s’est mué en restaurant sans déchets plastiques.

– Bambou et papier –

Les carafes ont remplacé les bouteilles à usage unique, le vinaigre blanc a supplanté les produits d’entretien chimiques, les pailles en bambou ont délogé leurs cousines en plastique, les dosettes ont cédé la place au café moulu et les serviettes en papier ont disparu au profit de napperons de tissu produits localement.

L’engagement de Babacar Thiaw illustre les balbutiements d’une prise de conscience environnementale, y compris dans des pays comme le Sénégal, où la croissance dynamique observée depuis des années peine à résorber une pauvreté affectant autour de 40% de la population, selon la Banque mondiale.

Combattre la pollution est un défi. Le Sénégal ne dispose pour l’heure d’aucun centre de tri. Les longues plages qui bordent le pays sont jonchées de déchets à perte de vue et les eaux polluées par les industries manufacturières sont déversées directement dans l’Atlantique.

« Chaque geste compte », martèle M. Thiaw derrière le comptoir de ce petit restaurant au toit de chaume, dont la terrasse ensablée et bordée de cocotiers a une beauté de carte postale. « Quand on sait qu’une bouteille en plastique met jusqu’à mille ans à se décomposer, comment ne pas utiliser des bouteilles en verre ? ».

Lors de sa prestation de serment pour un second mandat le 2 avril, le président Macky Sall a souhaité faire du Sénégal un pays « zéro déchet », alors que les champs de sachets en plastique prospèrent aux abords des villes et des villages. Il n’a pas fixé d’échéance, ni précisé la méthode. Mais le plan a commencé à être débattu au niveau local, selon des responsables.

– Des détritus pour ballons –

Le ministre de l’Environnement, Abdou Karim Sall, a promis cette semaine d' »étendre » d’ici peu le « périmètre » d’une loi de 2015 interdisant l’utilisation, la production et la vente de certains sachets, peu appliquée et qui ne couvre pas l’ensemble des sacs en plastique, qui représentent 78% des déchets collectés à Dakar, a-t-il ajouté.

D’après les chiffres de l’ONU, environ huit millions de tonnes de déchets plastiques finissent chaque année dans les océans, tuant ou blessant un million d’oiseaux et plus de 100.000 mammifères marins.

A son niveau, le patron du Copacabana organise régulièrement des collectes des déchets sur la plage du Virage. Il espère convaincre ses collègues restaurateurs de ne plus utiliser de plastiques à usage unique.

Sur la plage adjacente, des dizaines enfants s’ébrouent dans des vagues truffées de déchets.

« Les gamins ne comprennent pas et s’amusent avec les détritus comme s’il s’agissait de ballons », déplore Mami Ndiaye. Cliente fidèle du Copacabana, la frêle jeune femme donne le sein à sa fille, pieds nus dans le sable. « Quel monde va-t-on laisser à nos enfants ? On ne peut plus faire l’autruche, il y a urgence à agir. Je trouve que l’initiative du Copacabana est exemplaire et j’espère qu’elle sera suivie par tous les restaurateurs au Sénégal ».

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