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Au Texas, un quadra charismatique menace la longue domination républicaine

Ancien punk-rockeur à l'éloquence vibrante, Beto O'Rourke ne présente pas, à 45 ans, le profil typique d'un candidat au vénérable…

Ancien punk-rockeur à l’éloquence vibrante, Beto O’Rourke ne présente pas, à 45 ans, le profil typique d’un candidat au vénérable Sénat américain. Une fraîcheur alliée à un élan anti-Trump qui pourrait aider le démocrate à accomplir ce qui paraissait encore récemment impossible: battre les républicains dans leur fidèle bastion du Texas.

« Ca ressemble au Texas, ça ressemble à l’Amérique, ça ressemble à l’avenir, pas vrai? » a récemment lancé Beto O’Rourke à des supporteurs réunis dans une église fréquentée par des fidèles majoritairement noirs, à Dallas.

Plaidoyer en faveur d’un système de santé universel, critiques d’une justice parfois arbitraire face aux minorités ou de la politique migratoire de Donald Trump: le démocrate a soulevé l’enthousiasme de l’assemblée.

Brandissant des panneaux à son nom, ses supporteurs, souvent jeunes, sont nombreux au rendez-vous de ses meetings de campagne.

Longue silhouette dégingandée et gestuelle passionnée, Beto O’Rourke est élu de la Chambre des représentants, à Washington, depuis 2013. Mais c’est son combat électoral contre l’un des poids lourds républicains, l’ex-candidat à la présidentielle et sénateur sortant Ted Cruz, qui en a fait la star du moment de la politique américaine.

Les sondeurs estiment que Ted Cruz et Beto O’Rourke sont aujourd’hui au coude-à-coude pour l’élection du 6 novembre, lorsque les Américains, appelés à renouveler un tiers du Sénat et toute la Chambre des représentants, pourraient faire basculer le Congrès du côté démocrate.

Cette ferveur interpelle particulièrement dans un Texas qui n’a pas envoyé un démocrate au Sénat américain depuis un quart de siècle et avait largement voté pour Donald Trump en 2016.

– « Terriblement progressiste » –

Beto O’Rourke a en tout cas un « très bon » sentiment sur ses chances de gagner, a-t-il confié à l’AFP.

« Je nous connais bien et nous ne sommes pas un peuple qui fonde ses décisions sur la peur », a-t-il ajouté, dans un tacle apparent au président américain et son parti républicain. « Nous n’avons pas peur de l’avenir ».

Le démocrate a récolté des millions de dollars de dons pour sa campagne, sans qu’un centime ne vienne de lobbies ou de grandes entreprises, aime-t-il à répéter.

Mais si les grandes villes texanes votent démocrate, les conservateurs restent largement majoritaires dans le reste de ce vaste Etat, plus grand que la France, où la tradition des cowboys perdure.

Beto O’Rourke est « très intelligent et parle bien mais il est terriblement progressiste », remarque James Griffith, un agent immobilier de 74 ans venu au rodéo annuel de la ville d’Abilene.

« C’est un socialiste dans l’âme », renchérit Winston Ohlhausen, président du parti républicain du comté de Taylor, où se trouve Abilene. Ce mot est connoté aux Etats-Unis, où il laisse entendre un certain radicalisme. Le démocrate ne partage pas « les valeurs du Texas », explique ce responsable à l’AFP. « Je crois que Cruz va bien l’écraser ».

– « Vent dans le dos » –

La course pour reprendre le Sénat paraissait encore récemment perdue d’avance pour les démocrates, qui doivent défendre plus de sièges que les républicains.

Mais à l’image des pronostics serrés au Texas, leurs chances dans l’Arizona, le Tennessee et dans le Nevada ne semblent plus complétement impossibles.

Le Texas « est prêt pour le changement », veut croire Colin Allred, ancien joueur, noir, de la ligue de football américain (NFL) qui se présente près de Dallas contre un républicain sortant pour un siège à la Chambre.

« Pendant trop longtemps, nous avons dit à trop de Texans qu’ils ne devaient pas s’impliquer dans leur propre démocratie, qu’ils ne devaient pas s’engager, qu’ils ne devaient pas voter », confie-t-il à l’AFP avant de participer à une Marche des Fiertés à Dallas.

Le visage du Texas change indéniablement, avec notamment une forte poussée de la communauté hispanique.

Les démocrates « ont le vent dans le dos et ça m’inquiète », reconnaît Matt Mackowiak, stratège républicain basé dans la capitale du Texas, Austin.

La menace semble si grande que Donald Trump a promis de faire campagne pour Ted Cruz, malgré leur passé acide de grands ennemis des primaires républicaines.

Le candidat républicain en est conscient: « Notre danger, c’est la complaisance ».

« L’économie va très bien, les gens s’occupent de leurs emplois ou de leurs enfants ou d’aller à l’église et ils ne prennent pas le temps de voter », a-t-il averti devant ses supporteurs à Columbus.

Mais la faible participation dans cet Etat, particulièrement basse pour les élections législatives de mi-mandat, pourrait aussi menacer les démocrates, explique James Henson, politologue à l’université d’Austin.

« Il sera dur » pour eux « de rompre le monopole républicain, et cela vaut aussi pour O’Rourke ».

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