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Au Venezuela, les dysfonctionnements en chaîne qui privent d’eau les habitants

Le système de distribution d'eau à Caracas a été conçu pour résister aux tremblements de terre. Mais les pannes électriques…

Le système de distribution d’eau à Caracas a été conçu pour résister aux tremblements de terre. Mais les pannes électriques successives l’ont totalement paralysé en raison d’un manque de maintenance et d’investissements inutiles qui privent aujourd’hui des millions de Vénézuéliens du précieux liquide.

Depuis le 7 mars et le début d’une série de coupures de courant géantes, des millions d’habitants se retrouvent sans une seule goutte d’eau, forcés de s’approvisionner à des sources ou dans les caniveaux, malgré les risques sanitaires.

L’électricité est en effet nécessaire aux équipements de pompage qui permettent à 60% des 31 millions de Vénézuéliens d’être approvisionnés en eau, de nombreuses villes du pays se situant en altitude par rapport aux réservoirs des barrages. Or ce système de pompage demande « d’énormes quantité d’électricité pour se mettre en marche et ensuite pour fonctionner », explique à l’AFP José Aguilar, consultant en énergie.

Seulement à Caracas, où vivent 6 millions d’habitants à 900 mètres d’altitude, la moitié de l’électricité consommée est utilisée pour permettre à l’eau d’arriver dans les bâtiments, souligne José Maria de Viana, président de la société Hidrocapital entre 1992 et 1999.

Or les infrastructures de pompage souffraient déjà d’un manque cruel d’entretien. « Certaines ne fonctionnent pas depuis plus de cinq ans, ce qui rend plus difficile la remise en marche » du système, souligne cet expert, qui pointe également la faible productivité des centrales thermiques (2.000 mégawatts pour une capacité de 19.000).

Le spécialiste rappelle que le système de distribution d’eau de Caracas a été conçu dans les années 1940 pour affronter un « fort risque sismique », avec notamment trois réservoirs internes en cas d’urgence qui ne nécessitent pas de pompage.

Mais au moment de la méga-panne électrique du 7 mars, deux de ces réservoirs étaient vides car la quantité d’eau disponible dans la capitale a baissé d’un tiers par rapport au début des années 1990.

« Les villes vénézuéliennes ont entre 30% et 50% moins d’eau disponible qu’il y a 20 ans. Les difficultés d’exploitation et de maintenance sont gravissimes », souligne M. de Viana, qui rappelle que les services de distribution d’eau sont devenus gratuits à l’arrivée au pouvoir d’Hugo Chavez (1999-2013).

– Cimetière d’installations inutiles –

Depuis cinq ans, les rationnements en eau sont courants dans le pays. La méga-panne n’a fait que précipiter la crise. « Il y a de nombreux quartiers où il n’y a pas d’eau potable depuis des mois, voire des années », se désole Carmen Veliz, une habitante de Petare, quartier populaire de la capitale.

Le pays n’avait pourtant pas ménagé ses investissements dans le secteur entre 2004 et 2014, au moment où la rente pétrolière a explosé grâce aux prix élevés du brut : 100 milliards de dollars ont été investis pour l’électricité et 10 milliards pour l’eau, rappelle José Maria de Viana.

Mais « la plupart de ses installations sont endommagées ou ont été mal conçues », affirme le spécialiste, qui cite en exemple le plus long aqueduc du pays (160 km) construit dans l’Etat de Falcon (nord-est) pour 400 millions de dollars, mais « connecté à un réservoir vide, dans une zone désertique ».

Dans le méga-barrage de Taguaza (nord) construit dans les années 1990 pour alimenter Caracas, il y avait bien de l’eau disponible au plus fort de la crise électrique, mais elle n’a pas pu être pompée car les installations étaient en panne faute d’entretien et de main d’oeuvre qualifiée.

De nombreux ingénieurs et techniciens font partie des quelque 2,7 millions de Vénézuéliens qui ont émigré pour fuir la crise économique dans leur pays depuis 2015.

Autre exemple, la ville pétrolière de Maracaibo (nord-ouest), une des premières à avoir bénéficié de l’électricité en Amérique latine. Elle fut longtemps autosuffisante en électricité. Aujourd’hui ses centrales thermiques sont complètement à l’arrêt.

« Nous nous retrouvons avec un cimetière d’installations inutiles, certaines qui ont coûté trop cher », estime José Maria De Viana. Selon lui, il faudrait investir 300 millions de dollars dès la première année pour relancer le secteur de distribution d’eau.

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