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Au Yémen, l’aide humanitaire menacée par les rebelles Houthis

Les rebelles Houthis menacent les opérations d'aide humanitaire cruciales pour la population au Yémen, multipliant les obstructions dans un pays…

Les rebelles Houthis menacent les opérations d’aide humanitaire cruciales pour la population au Yémen, multipliant les obstructions dans un pays ravagé par plus de cinq ans de guerre, ont déclaré mardi des responsables à la veille d’une réunion de crise à Bruxelles.

Les humanitaires décrivent une situation qui se détériore de jour en jour avec des travailleurs risquant d’être arrêtés ou intimidés lorsqu’ils distribuent des vivres à des millions de Yéménites dans le besoin.

Le gouvernement reconnu par la communauté internationale a tiré la sonnette d’alarme à la suite d’informations selon lesquelles les Etats-Unis envisagent de suspendre une grande partie de leur aide d’ici début mars, en réponse aux pressions des Houthis, dont une nouvelle « taxe » de 2% que les rebelles veulent imposer à des projets d’aide humanitaire.

Si le gouvernement accuse les Houthis d’utiliser l’aide pour « financer leur effort de guerre », interrompre cette assistance nuirait à la population yéménite, a déclaré Abdel Raqib Fateh, ministre des Affaires locales et chef du Comité d’aide du Yémen.

« La réduction de l’aide dans les provinces sous contrôle rebelle affectera les citoyens et non les milices armées des Houthis », a-t-il déclaré à l’AFP.

Les rebelles, qui contrôlent la capitale Sanaa depuis 2014 et une bonne partie du nord du pays, rejettent les accusations d’ingérence dans le travail des humanitaires et de lourdeur des démarches administratives.

« Certaines agences de l’ONU font de la politique et utilisent l’aide comme une carte pour menacer les Yéménites », a dénoncé le chef de l’organisme d’aide des rebelles fondé fin 2019, Abdel Mohsen al-Tawoos.

« Le chantage à la réduction de l’aide ne fonctionne pas et si (les agences concernées) maintiennent leurs menaces, les choses se retourneront contre elles », a-t-il prévenu dans plusieurs médias appartenant aux Houthis.

Selon diverses organisations humanitaires, la guerre au Yémen a fait des dizaines de milliers de morts, essentiellement des civils. Quelque 24,1 millions de personnes, soit plus des deux tiers de la population, ont besoin d’assistance, selon l’ONU.

– « Violence et coercition » –

La controverse autour de l’aide n’est pas nouvelle au Yémen, où la crise humanitaire est décrite comme la pire au monde par l’ONU.

D’un côté, les Houthis accusent les Nations unies de distribuer des produits avariés. De l’autre, les humanitaires affirment que ces produits ont été retenus trop longtemps par les rebelles, les rendant impropres à la consommation.

Le Programme alimentaire mondial (PAM), qui porte assistance à quelque 12 millions de Yéménites, a interrompu ses opérations dans les zones contrôlées par les Houthis pendant deux mois l’année dernière.

Cet organisme de l’ONU a ainsi fait pression pour obtenir la mise en place d’un fichier biométrique des bénéficiaires afin d’empêcher le détournement de l’aide.

La semaine dernière, l’agence de presse spécialisée New Humanitarian a rapporté que les menaces pesant sur les humanitaires augmentaient en même temps que les entraves bureaucratiques à la distribution de l’aide.

« La question de la manipulation des listes de bénéficiaires et/ou de la pression pour partager ces listes est particulièrement préoccupante », a écrit New Humanitarian, citant un rapport non publié de l’ONU.

« Les cas impliquant l’utilisation de la violence et de la coercition aux points de distribution de l’aide ont augmenté en 2019 », a-t-elle ajouté.

– « Approche plus unifiée » –

L’épineuse question de la suspension ou non de l’aide sera au centre d’une réunion des donateurs qui s’ouvre jeudi à Bruxelles.

« Trop de lignes rouges ont été franchies par les autorités (rebelles) », a indiqué à l’AFP un humanitaire basé à Sanaa qui a requis l’anonymat.

« Notre travail consiste à faire parvenir l’aide aux gens. Que doit-on faire quand on nous empêche de le faire? », s’est-il interrogé.

« Nous essayons de nous coordonner avec tous les donateurs, y compris les Etats-Unis, pour trouver une approche plus unifiée », a déclaré un responsable d’une agence d’aide, disant espérer « qu’on n’en arrivera pas » à une suspension d’une partie de l’aide américaine.

Pour Lise Grande, coordinatrice humanitaire de l’ONU pour le Yémen, les agences spécialisées seraient obligées d’aviser si elles ne peuvent pas faire respecter leurs normes.

« Si nous arrivons à un point où l’environnement opérationnel ne nous permet pas de le faire, nous ferons tout ce que nous pouvons pour le changer », a-t-elle déclaré à la chaîne britannique BBC.

« Il se peut que nous devions prendre une direction différente pendant un certain temps, jusqu’à ce que nous puissions rétablir ces conditions. C’est notre responsabilité », a-t-elle assuré.

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