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Autriche : après le vote-sanction, l’extrême droite règle ses comptes

Les hostilités sont ouvertes au sein de l'extrême droite autrichienne, qui a enchaîné les scandales avant une humiliante défaite dimanche…

Les hostilités sont ouvertes au sein de l’extrême droite autrichienne, qui a enchaîné les scandales avant une humiliante défaite dimanche aux législatives et affiche désormais ses divisions.

Sous pression de ses anciens acolytes, Heinz-Christian Strache, ex-chef du FPÖ et personnage-clé des affaires qui ont miné la campagne, a annoncé mardi son retrait de la vie politique. Il met aussi « en suspens » son appartenance au parti.

Ce repli était le minimum exigé par les cadres du FPÖ, qui tiennent une réunion de crise dans la journée pour esquisser une stratégie après leur revers électoral.

Avec 16,2% des suffrages aux législatives, selon les résultats quasi définitifs, le FPÖ perd presque 10 points par rapport aux élections de 2017 qui avaient propulsé l’extrême droite au pouvoir en coalition avec la droite de Sebastian Kurz. Les deux partis présentaient leur alliance comme un modèle pour l’Europe.

« C’était une campagne incroyablement difficile, on a dû porter une croix », a lancé Norbert Hofer, le nouveau chef du FPÖ, après les résultats.

Il avait remplacé au pied levé M. Strache en mai lorsqu’a éclaté le scandale de l’Ibizagate.

Filmé en caméra cachée en train de proposer des marchés publics en 2017 à une jeune femme se faisant passer pour la nièce d’un oligarque russe, Heinz-Christian Strache avait aussitôt démissionné de toutes ses fonctions, dont celle de vice-chancelier de Sebastian Kurz.

Tout le gouvernement l’avait accompagné dans sa chute. On reproche désormais à M. Strache d’avoir mené grand train aux frais du FPÖ et d’avoir fait régler des dépenses personnelles par le parti. Ces nouvelles révélations, et l’annonce d’une d’enquête judiciaire, à quelques jours des élections, ont plombé sa formation.

M. Strache nie toute malversation. Après 14 ans à la tête du parti qu’il a mené au sommet, ce tribun islamophobe s’est résolu à grand peine à ce retrait stratégique. Il n’avait cessé de parasiter la campagne électorale en postant des messages sur sa page Facebook, « le plus gros portail populiste du pays » selon l’hebdomadaire Falter, puisqu’il est suivi par plus de 800.000 personnes.

– Coalition ou opposition –

Le quinquagénaire a assuré mardi vouloir « éviter à tout prix les déchirements et les divisions » dans sa famille politique, mais certains lui prêtent l’intention de lancer une formation concurrente au FPÖ.

C’est ce qu’avait fait son prédécesseur Jörg Haider, pionnier du populisme, qui avait créé son propre parti en 2005 après avoir été écarté du FPÖ.

Accéder au pouvoir ne réussit pas à cette formation fondée par d’anciens nazis dans les années cinquante : le FPÖ a été responsable de la chute des quatre coalitions gouvernementales auxquelles il a participé depuis la fin de la Seconde guerre mondiale.

Après son résultat dimanche soir, le parti a annoncé privilégier une cure d’opposition alors qu’il avait bâti toute sa campagne sur la reconduction d’une alliance avec Sebastian Kurz.

Cette annonce a pris de court le vainqueur du scrutin. Avec 37,5% des voix, le chef des conservateurs est désormais obligé de se tourner vers les sociaux-démocrates (21,2%) ou les écologistes (13,8%) en vue de former une coalition.

« S’il veut survivre, le FPÖ doit se réinventer », affirme Andreas Mölzer, l’un des plus anciens cadres de cette formation, cité par la presse autrichienne. « Il doit partir à la reconquête de sa crédibilité perdue et pour cela il doit rester un certain temps dans l’opposition. »

Son retour rapide aux manettes du pays de 8,8 millions d’habitants ne peut pourtant pas être exclu. En 2002, cette formation avait déjà renoncé au pouvoir après une cuisante défaite électorale, mais les conservateurs étaient quand même allés la chercher pour gouverner, après l’échec des négociations avec les autres forces politiques.

Le FPÖ conserve une forte base électorale et reste l’un des partis d’extrême droite les mieux implantés en Europe.

Les chefs des cinq partis politiques qui seront représentés dans le nouveau Parlement vont être reçus à partir de mercredi par le chef de l’Etat en vue du début des longues négociations qui s’annoncent.

Le patron des Verts Werner Kogler a prévenu mardi que si les « Grünen » devaient nouer une alliance avec M. Kurz, elle ne verrait pas le jour avant « Pâques 2020 », tant les divergences à aplanir sont nombreuses.

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