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Autriche : l’aventure politique commence pour le tandem écolo-conservateur

Une mesure de lutte contre l'immigration pour une mesure de justice sociale et beaucoup de promesses sur le climat :…

Une mesure de lutte contre l’immigration pour une mesure de justice sociale et beaucoup de promesses sur le climat : les conservateurs autrichiens et les Verts ont présenté un programme pesé au trébuchet pour assurer l’équilibre de leur improbable coalition.

La lutte contre le changement climatique sera le ciment de ce nouveau gouvernement issu des législatives du 29 septembre et qui veut associer « le meilleur » de « deux partis très différents », a observé Sebastian Kurz, le jeune chef de la droite qui, à 33 ans, va reprendre les rênes de l’Autriche.

A peine le pacte de coalition rendu public, l’opposition sociale-démocrate a cependant dénoncé le « cavalier seul » des conservateurs, jugeant qu’ils se taillaient la part du lion dans le programme commun.

« Les Verts prennent un très gros risque », a observé l’analyste Johannes Huber, interrogé par l’AFP. « Ils sont prêts à avaler des décisions difficiles pour pousser » leur programme en faveur du climat, quitte à endosser la ligne sécuritaire et anti-immigration de Sebastian Kurz.

La coalition veut faire de ce pays de 8,8 millions d’habitants un « pionnier dans la protection du climat » et s’est notamment fixé un objectif de neutralité carbone au plus tard en 2040. Cette cible est plus ambitieuse que le délai récemment établi par les Européens qui visent la neutralité carbone à l’horizon 2050 dans l’UE.

Le programme gouvernemental de 300 pages comprend une kyrielle de mesures pour protéger l’environnement, allant du passage à 100% d’énergies renouvelables dans les dix ans à un plan d’investissement pour les transports en commun.

Le gouvernement veut créer une carte à trois euros par jour permettant d’emprunter les transports en commun dans toute l’Autriche, substantiellement augmenter l’écotaxe sur les billets d’avion, faire passer la part des déplacements à vélo de 6% à 13%.

– Risque à prendre –

Sur les autres sujets, les deux formations n’ont pas cherché à aplanir leurs différends ni à forger des « compromis a minima », a expliqué Sebastian Kurz, mais à sélectionner des mesures emblématiques dans les programmes de chaque parti.

« La lutte contre l’immigration illégale restera au coeur de ma politique », a affirmé le chef des conservateurs, qui avait scellé en 2017 une alliance de gouvernement avec l’extrême droite en adoptant une ligne dure sur les questions de politique migratoire, de sécurité et de lutte contre « l’islam politique ».

C’est à regret qu’il avait mis fin, en mai, à 18 mois de coalition avec les nationalistes, compromis dans un scandale de corruption (« l’Ibizagate »).

Pour maintenir le cap cher à l’électorat ÖVP, le programme prévoit de créer un nouveau dispositif controversé de « détention préventive » pour des individus jugés dangereux même s’ils n’ont pas commis de crime et d’étendre l’interdiction du port du voile dans les établissements scolaires.

Le « pari » de cette coalition délicate doit pourtant être tenté, a défendu jeudi Werner Kogler, le chef des Verts, âgé de 58 ans, qui va prendre le poste de vice-chancelier.

Outre le climat, les Verts ont obtenu des garanties sur le respect des droits de l’homme et des conventions internationales, sur l’amélioration de la transparence et de l’éthique du système politique, sur le droit à l’information, la lutte pour plus de « justice sociale » et contre la pauvreté.

Sur le papier, la droite libérale de l’ex-chancelier et les écologistes autrichiens, ancrés à gauche, ont surtout en commun d’avoir été les principaux vainqueurs de l’élection de septembre : l’ÖVP a renforcé son score (37,5%), sans obtenir la majorité absolue, tandis que les Verts, en quatrième position (13,9%), ont signé un retour en force au parlement.

– Verts minoritaires –

L’expérience autrichienne s’inscrit dans de cadre de la recomposition politique à l’oeuvre en Europe où la montée des discours populistes et la poussée des partis écologistes, portés par l’urgence de la question climatique, rebattent les cartes.

Des ministres verts participent au gouvernement en Suède, en Finlande, en Lituanie, au Luxembourg. Les Verts sont en pleine ascension Allemagne, avec l’espoir de pouvoir placer une ou un écologiste à la chancellerie aux prochaines élections.

Avec dix ministères pour la droite, contre quatre pour les Verts, l’ÖVP dominera largement le nouveau gouvernement, gardant la main sur les ministères de l’Intérieur, des Finances et des Affaires étrangères.

Les quatre ministres écologistes seront chargés d’un « super ministère » de l’Environnement, de la Justice, des Affaires sociales, de la Culture et du Sport.

Les Verts devraient donner leur accord au pacte de gouvernement au cours d’un congrès extraordinaire convoqué pour samedi. L’investiture de la nouvelle équipe devrait avoir lieu la semaine prochaine.

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