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Aux élections pakistanaises, des candidats iconoclastes, la langue pas dans leur poche

Il y a l'écologiste, l'"à moitié corrompu", l'opportuniste, l'indestructible... Outre les chefs de partis en vue, une batterie de candidats…

Il y a l’écologiste, l' »à moitié corrompu », l’opportuniste, l’indestructible… Outre les chefs de partis en vue, une batterie de candidats parfois iconoclastes disputera aux quatre coins du pays les élections législatives du 25 juillet au Pakistan.

L’AFP en présente cinq, qui incarnent chacun à sa manière les défis auxquels le pays est confronté.

Ayaz Memon Motiwala, l’écolo:

Pour faire parler de lui, le candidat indépendant Motiwala s’assoit dans des caniveaux, il s’allonge dans une mare d’eau d’égouts, ou mange dans une décharge… toujours drapé dans le drapeau vert et blanc pakistanais.

« Je montrerai au monde tout le mal que les politiciens ont fait ici », affirme à l’AFP cet orfèvre, patron de deux boutiques.

Pour ces élections, Ayaz Memon Motiwala a choisi un robinet d’eau comme emblème. Dans sa ville, Karachi, la plus peuplée du Pakistan avec plus de 15 millions d’habitants, ceux-ci sont souvent à sec. Un indice de la pénurie du précieux liquide auquel fait face le Pakistan.

« Votez pour moi, mais même si vous ne le faites pas, rappelez-vous que l’eau propre est le besoin du moment ! », lance-t-il aux électeurs.

Nawab Amber Shahzada, 41 fois candidat:

La moustache fournie surmontée de lunettes de soleil, coiffe grenat et fine écharpe rouge autour du cou, le candidat Shahzada se veut « le roi de la politique ».

Un roi contrarié, à la tête d’un parti dont il est le seul adhérent, qui depuis 32 ans a concouru à 41 élections, sans jamais l’emporter. En 1990, la Commission électorale pakistanaise l’a recalé pour avoir promis, en cas de victoire, des terrains sur la Lune. En 2013, il admet n’avoir recueilli que sept voix.

« Les politiciens nous prennent pour des idiots. Ils nous trompent. Avec mon style marrant, j’essaie d’en faire prendre conscience au peuple », explique-t-il à l’AFP.

Son slogan ? « La corruption basée sur le besoin ». S’il est élu, Nawab Amber Shahzada sera ainsi « à moitié corrompu », affirme-t-il, par opposition aux puissants, qui le sont « par désir, mangent toutes les ressources et ne laissent même pas un centime au peuple ».

Radesh Singh Tony, le courageux:

Il est le premier candidat indépendant de la minorité sikhe à disputer des élections dans le Khyber Pakhtunkhwa, province conservatrice du nord-ouest pakistanais. Face à lui, en plus des partis traditionnels, deux candidats soutenus par des organisations radicales.

A peine 160 électeurs sont sikhs dans sa circonscription, où 130.000 votants, très majoritairement musulmans, sont recensés. Peshawar est une ville reconnue comme dangereuse pour les minorités, notamment les Sikhs.

« Nous sommes des cibles vulnérables », observe ce petit commerçant à la longue barbe grise et au turban noir, interrogé par l’AFP.

Il y a deux semaines, une bombe a tué 22 personnes lors d’un meeting politique à Peshawar. « Nous faisons campagne dans une atmosphère de peur », reconnaît Radesh Singh Tony, tout en partant faire du porte-à-porte avec ses enfants et d’autres membres de sa famille.

Mir Abdul Karim Nousherwani, la girouette:

Il a érigé l’opportunisme en principe politique absolu. Depuis 1985, Abdul Karim Nousherwani, issu du sud du Baloutchistan, province pauvre et instable du Sud-ouest, a changé sept fois de parti, et a été élu à deux reprises comme indépendant. Il concourra cette fois-ci pour le Balochistan Awami Party, une formation provinciale.

« Les intérêts de mon peuple me sont chers », justifie ce vétéran de la politique baloutche aux cheveux mi-longs. Et c’est en étant dans la majorité qu’il obtient des projets de développement pour son territoire, ajoute-t-il.

« Dès qu’il sent que le bateau du pouvoir coule, il est le premier à en sauter pour rejoindre un nouveau bateau en formation », ironise un autre parlementaire sous couvert d’anonymat.

Nousherwani, qui n’a pas été au-delà de l’école primaire et a débuté comme chauffeur, n’avait pu se présenter aux élections de 2002 et 2008, car le baccalauréat était alors requis.

Ali Wazir, l’indestructible:

Originaire du Sud Waziristan, zone tribale où étaient basés les talibans pakistanais, et où des campagnes militaires contre les insurgés extrémistes ont causé des ravages au sein de la population, Ali Wazir a beaucoup perdu. Mais il s’est toujours relevé.

Dix membres de sa famille ont été tués par les insurgés, qui ont également incendié une station-essence, la maison et des vergers lui appartenant. En 2016, l’un de ses marchés privés a été détruit par les autorités locales au nom d’obscures lois tribales.

« Je dispute ces élections à la demande de mon peuple. Je me battrai pour ses droits au Parlement », affirme cet homme d’affaires charismatique, connu pour ses discours enflammés contre la puissante armée pakistanaise et les talibans.

Héraut du Mouvement de protection pachtoune (PTM), un mouvement de droits civiques de l’ethnie pachtoune, il a été adoubé par l’un des principaux partis en lice à l’échelle nationale, le PTI d’Imran Khan.

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