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Avec leur BD « Kivu », Van Hamme et Simon dénoncent un « régime de terreur » dans l’est de la RDC

Avec leur bande dessinée "Kivu", le scénariste Jean Van Hamme (Thorgal, Largo Winch, XIII) et le dessinateur Christophe Simon (Alix,…

Avec leur bande dessinée « Kivu », le scénariste Jean Van Hamme (Thorgal, Largo Winch, XIII) et le dessinateur Christophe Simon (Alix, Corentin) veulent dénoncer « un régime de la terreur » dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC).

L’album (éditions Le Lombard) publié il y a quelques jours par les auteurs belges raconte l’histoire d’un jeune employé d’une multinationale belge envoyé en RDC qui se retrouve projeté brutalement dans la réalité de ce conflit oublié de plus de 20 ans.

QUESTION: Comment est né ce projet d’une bande-dessinée autour du sanglant conflit au Kivu ?

JEAN VAN HAMME : Il est né d’une demande du docteur Guy-Bernard Cadière, un chirurgien belge qui assiste régulièrement le docteur Mukwege, un gynécologue congolais, dans son hôpital de Panzi, pour réparer les femmes qui ont été violées et assez sauvagement meurtries au Kivu.

Le Kivu est une province agricole de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) qui, pour son malheur, recèle des minerais, cobalt, manganèse et surtout le coltan dont les multinationales ont un urgent besoin pour fabriquer tout ce qui est informatique, tablette, smartphone …

Elle a été envahie après 1994 par des Rwandais génocidaires qui systématiquement ont chassé les habitants de leurs villages en les terrorisant pour s’emparer de leurs terres. Ils ruinent leur système social en violant et mutilant les femmes, en emportant les adolescents comme esclaves dans leurs mines et en tuant froidement les vieillards, les hommes ou les maris qui semblent résister. C’est le régime de la terreur, c’est un génocide organisé depuis plus de 20 ans.

L’hôpital de Panzi est là pour soigner les blessés – ce sont surtout les femmes qui s’y présentent – et le docteur Cadière m’a demandé si on pouvait faire une bande dessinée sur le sujet. J’ai choisi de faire un reportage déguisé, c’est à dire raconter une intrigue de fiction avec en arrière-plan la réalité du Congo.

QUESTION: Comment aborde-t-on en bande dessinée un sujet aussi dur ?

JEAN VAN HAMME: Il était certain qu’on ne pouvait pas montrer des dessins de femmes éventrées, de femmes au vagin ouvert et saignant, mais on pouvait le dire.

Les images ne sont pas dures c’est le texte qui est dur et ça peut toucher les gens, ça peut informer les gens. Seront-ils touchés ? Oui je le suppose. Longuement ? Je ne sais pas. Je suppose que toutes les nouvelles qu’ils apprennent sur les horreurs qui se passent dans d’autres pays, ça les touche un moment et puis ça ne les touche plus. On verra.

J’ai appliqué une technique que je pratique depuis longtemps à un projet qui est effectivement plus politique, plus humaniste, que d’habitude. Ca m’a touché parce que j’ai bien connu le Kivu dans les années 50 et que cet eden transformé en enfer me touche profondément. Et je crois que ça s’est ressenti dans la manière dont j’ai écrit l’histoire.

La fiction permet à davantage de personnes d’accéder à cette bande dessinée mais le message véritable est évidemment ce qui se passe au Kivu ce qui a été très bien rendu par le dessinateur Christophe Simon qui est allé sur place pour faire véritablement le reportage.

QESTION: Vous avez passé huit jours en RDC, notamment à l’hôpital Panzi, pour vous documenter. Comment ça s’est passé ?

CHRISTOPHE SIMON: Le plus dur c’est d’affronter le regard de ces femmes qui ont été violées et qui ont peur de vous parce que vous êtes un homme. Et je dis des femmes mais il y avait aussi une petite fille de huit ans et un bébé de 17 mois. On les voit petit à petit se reconstruire.

J’ai rencontré une petite fille qui m’a inspirée pour le personnage de Violette et qui dessinait très bien. En voyant ses dessins, je lui ai dit: « c’est très beau ce que tu dessines mais pourquoi les visages n’ont pas de bouche ? ». Et là elle me regarde avec des yeux qui ne peuvent même plus pleurer: « Parce qu’elle ne peut rien dire ».

Avoir été confronté à cette réalité là, on n’en revient pas indemme.

(Propos recueillis par Marie WOLFROM)

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