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Barbarin, ou la chute d’un prélat très conservateur

Condamné jeudi pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels d'un prêtre de son diocèse, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque…

Condamné jeudi pour ne pas avoir dénoncé les abus sexuels d’un prêtre de son diocèse, le cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon depuis 2002, est un prélat de la « génération Jean Paul II », connu pour ses positions rigoristes, notamment sur le mariage homosexuel.

« Je n’ai jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles », soutenait lors de son procès à Lyon en janvier le prélat de 68 ans, devenu malgré lui un symbole de la crise de l’Église face à la pédophilie en France.

Mais le tribunal correctionnel ne l’a pas épargné, estimant qu’il avait « préféré prendre le risque d’empêcher la découverte de très nombreuses victimes d’abus sexuels par la justice » pour « éviter le scandale », et l’a condamné à six mois de prison avec sursis.

« Monseigneur 100.000 volts », comme on le surnommait, a déjà annoncé qu’il présenterait sa démission au pape dans les prochains jours, une première pour un responsable catholique de son rang dans une telle affaire.

En novembre dernier, le cardinal Barbarin avait reconnu dans une interview à Radio Notre-Dame avoir « beaucoup changé » sur ce sujet. Peut-être trop tard.

« Quand j’entendais parler de ces trucs-là y a quinze-vingt ans, je me disais: c’est affreux, c’est indigne, c’est une trahison de ces prêtres dans leur vocation d’avoir fait des choses comme ça », avait-il déclaré, avouant qu’à l’époque il ne « pensait pas directement aux gamins ».

En annonçant jeudi son intention de démissionner, il a cette fois voulu « redire toute sa compassion pour les victimes et leurs familles ».

Né le 17 octobre 1950 à Rabat (Maroc), dans une famille de onze enfants, cet évêque de terrain dans son diocèse comme à l’étranger, ouvert au dialogue inter-religieux et passionné par les questions sociales, fait preuve de beaucoup plus de conservatisme sur les enjeux sociétaux comme le mariage homosexuel auquel il s’est farouchement opposé.

« Après, ils vont vouloir faire des couples à trois ou à quatre… Après, un jour peut-être, je ne sais pas quoi, l’interdiction de l’inceste tombera », déclarait-il en 2012. Des propos qu’il avait tenté de nuancer par la suite.

– « Pas assez chrétiens » –

Intellectuel à l’élocution singulière, voire déroutante, polyglotte, Philippe Barbarin va à la rencontre des sans-papiers et des Roms, est présent sur les réseaux sociaux mais avance aussi aux premiers rangs des manifestations anti-avortement.

« S’il n’y a plus beaucoup de chrétiens en France, ce n’est pas mon problème. Mon problème, c’est que nous, chrétiens, ne sommes pas assez chrétiens », avait-il déclaré en arrivant à Lyon. « Je sais que cela choque mais je le répéterai : le christianisme cool n’a pas d’avenir ».

« Inclassable, il est en fait un évêque de la génération Jean Paul II », écrivent à son propos Jean Comby et Bernard Berthod dans leur « Histoire de l’Eglise de Lyon ».

Maître en philosophie et en théologie, après des études à la Sorbonne et à l’Institut catholique de Paris, disciple du théologien Hans Urs von Balthazar et du cardinal Henri de Lubac, il est ordonné prêtre en 1977 dans le diocèse de Créteil (région parisienne) où il reste près de 17 ans – le moment « le plus heureux » de sa vie de prêtre, confie-t-il à l’hebdomadaire Paris Match en 2012 – avant de partir à Madagascar.

De retour de l’océan Indien, il devient évêque de Moulins (Allier) avant d’être nommé archevêque de Lyon en 2002 puis nommé cardinal en 2003. A ce titre, il participe à deux conclaves, en 2005 et 2013, pour élire les papes Benoit XVI et François.

Mgr Barbarin s’est beaucoup investi notamment auprès des chrétiens d’Orient en proie aux persécutions, en particulier en Syrie ou en Irak où il s’est rendu à plusieurs reprises.

Envoyé spécial du pape, il a annoncé le jumelage des diocèses de Lyon et de Mossoul à Erbil en juillet 2014, avant d’organiser une fête de l’Immaculée conception, sur le modèle de la fête des Lumières de Lyon, dans la capitale du Kurdistan irakien, avec des réfugiés chrétiens ayant fui les jihadistes de l’organisation État islamique.

Chevalier de la légion d’honneur, il est l’auteur de plusieurs livres, dont en 2015 « Dieu est-il périmé? »

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