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Bénin : Talon face au défi du taux de participation

Pour APA news, le chercheur béninois Mathias Hounkpe, administrateur du programme de gouvernance politique de l'ONG Osiwa, analyse les enjeux…

Pour APA news, le chercheur béninois Mathias Hounkpe, administrateur du programme de gouvernance politique de l’ONG Osiwa, analyse les enjeux de la présidentielle prévue au Bénin dimanche prochain.L’élection présidentielle au Bénin, prévue dimanche 11 avril, reste marquée par la polémique sur la fin du mandat du président sortant Patrice Talon. Que lui reprochent ses adversaires ?

Deux griefs fondamentaux sont faits par l’opposition ou une partie de l’opinion publique au président actuel par rapport à la présidentielle. Le premier reproche porte sur ce qu’on a appelé « la restriction de l’espace politique », de l’exclusion de l’opposition de la présidentielle. Il y a eu une réforme du code électoral qui a instauré le parrainage des candidats. Contrairement au Sénégal, le parrainage au Bénin doit être fait par les députés et les maires. Cependant, les partis politiques qui soutiennent le chef de l’Etat au Benin détiennent la quasi-totalité des postes députés et des maires. Par conséquent, vous ne pouvez pas être candidat si ces partis ne vous accordent pas le parrainage. Toute l’opposition a donc estimé que le jeu n’était pas ouvert.

Le deuxième reproche concerne la suite des réformes politiques où la durée du mandat du président Talon a été rallongée de 47 jours. Normalement, le nouveau président de la République devrait être investi le 6 avril si on avait respecté la durée de cinq ans. Aujourd’hui, l’opposition et une partie de l’opinion pensent que la révision de la Constitution ne peut pas être rétroactive. Pour eux, à partir du 5 avril à minuit, se termine le mandat du président (sortant). C’est cela qui explique un peu les manifestations que connaît le pays depuis deux jours.

Ce scrutin est aussi marqué par l’absence contrainte des principales figures de l’opposition, seuls candidats peu connus se présentent face au président sortant. Est-ce un recul de la démocratie dans le pays ?

 Tous les indices qui mesurent l’état de la liberté et la démocratie dans le monde reflètent un recul démocratique au Bénin. Mieux, le président de la République reconnaît, lui-même, dans ses interventions que le développement était prioritaire pour lui, ce qui expliquerait des entorses à la démocratie et aux droits de l’homme. C’est comme si une telle situation ne le gênait pas.

Malgré l’absence de challengers de poids, Talon mène une campagne active pour remporter cette élection. Est-ce à dire que rien n’est joué d’avance ?

 Lorsque vous écoutez ses propos de campagne, la victoire au premier tour est déjà acquise. La préoccupation du chef de l’Etat béninois aujourd’hui c’est le taux de participation. En 2019, les élections législatives s’étaient passées dans les mêmes conditions. C’est-à-dire que seuls les deux partis politiques soutenant le chef de l’Etat avaient pu participer à ces élections. Et le taux de participation était de 27% contre une moyenne de 66%. On a commencé à organiser les législatives au Bénin depuis 1991, dans le cadre du renouveau démocratique. Donc le taux en 2019 a été très faible. Et je crois que le chef de l’Etat aujourd’hui crée la même chose. Il ne souhaite pas être réélu avec un taux de participation qui remettrait en cause la légitimité de son élection. L’enjeu pour lui est donc le taux de participation.

Lors de son élection en 2016, il avait promis de faire un seul mandat. Pourquoi a-t-il changé d’avis ?

Il n’a pas donné de raison à ce changement d’avis. Ses supporters sont venus dire qu’il a commencé beaucoup de choses, qu’il a ouvert beaucoup de chantiers qu’il n’a pas terminés, on a encore besoin de lui, etc. Mais ce qui est sûr est que ce changement d’avis va entacher son second mandat. Pendant celui-ci, tout acte qu’il va poser sera interprété comme une tentative de demeurer au pouvoir au-delà du deuxième mandat. Et en ce moment, sa parole seule ne pourra suffire après être revenu sur sa parole de ne faire qu’un mandat.

De quel bilan peut-il se prévaloir ?

 Il y a quand même des choses positives qu’on peut mettre à son actif. Le reproche fondamental que je lui fais porte sur le recul démocratique et en matière des droits de l’homme. Sinon sur le plan économique, il est indéniable qu’il a produit aujourd’hui des résultats. Sur les infrastructures et la digitalisation de l’administration publique, il a obtenu des résultats. Certains services comme la recherche du passeport ou le casier judiciaire se font aujourd’hui en ligne au Bénin. Ce sont des choses qu’il faut mettre à son avantage. Mais de mon point de vue, on peut réaliser toutes ces choses sans nécessairement aller vers le recul démocratique et la restriction de l’espace public.

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