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Bétaillères, fervents chrétiens: scènes improbables près du front anti-EI en Syrie

Volontaires chrétiens américains venus en famille, camionneurs de tribus syriennes au volant de bétaillères: des personnages atypiques prêtent main-forte aux…

Volontaires chrétiens américains venus en famille, camionneurs de tribus syriennes au volant de bétaillères: des personnages atypiques prêtent main-forte aux civils fuyant la dernière enclave du groupe Etat islamique (EI) dans l’est désertique de la Syrie.

Depuis le lancement par une force kurdo-arabe soutenue par la coalition internationale antijihadistes de l’ultime offensive contre le reste du « califat » proclamé par l’EI en Syrie et en Irak, près de 40.000 personnes ont quitté la zone des combats.

Souvent à pied, des femmes, des enfants mais aussi des hommes, quittent les territoires encore tenues par les jihadistes –une partie du village de Baghouz et un camp de tentes établi par l’EI dans les sables ocres de cette plaine désertique.

Epuisés et amaigris par des semaines de bombardements et de pénuries alimentaires, ils rejoignent les territoires de l’alliance kurdo-arabe des Forces démocratiques syriennes (FDS).

Mais une fois la ligne de front passée, personne ou presque n’est là pour leur apporter un soutien.

Invoquant des risques sécuritaires, les grandes organisations internationales n’ont pas dépêché leurs équipes sur place. Les FDS peinent elles à gérer cet afflux faute de ressources suffisantes.

Dans ce paysage, l’équipe des « Free Burma Rangers » détonne.

Dirigée par un vétéran de l’armée américaine et fervent chrétien, David Eubank, l’équipe d’environ 25 volontaires, dont la femme de M. Eubank et ses trois enfants, campe sur un plateau surplombant Baghouz.

« Nous ne sommes pas qualifiés pour être ici. J’ai demandé à Dieu, qu’est-ce que je ferais ici? », raconte à l’AFP M. Eubank, vêtu d’un treillis militaire, un pistolet à la taille et un chapeau de pêcheur sur la tête.

« J’ai senti Dieu (me) dire: renonce à ton chemin. Viens juste aider », ajoute-t-il.

Au loin, une vingtaine de civils marchent vers le plateau depuis Baghouz. L’ex-militaire et un autre bénévole dévalent la pente sablonneuse pour aider les femmes à hisser leurs sacs débordant d’affaires et les enfants à monter sur le plateau.

– « Dieu nous a envoyés » –

Non loin de là, un volontaire arborant une barbe broussailleuse s’occupe d’un garçon chétif, blessé à la poitrine. Il réclame en anglais des antibiotiques, face au regard confus de son « patient ».

Christian Eubank a créé le FBR en Birmanie en 1997, avec un slogan tiré d’un verset de la Bible qui invite les gens à « prêcher la bonne nouvelle aux pauvres » et à « aider les opprimés ».

Après que l’EI a conquis en 2014 des pans entiers des territoires syrien et irakien, le FBR s’est implanté en Irak, où l’équipe est devenue célèbre pour avoir sauvé une jeune fille ayant perdu sa mère lors des combats contre l’EI à Mossoul, la grande ville du nord du pays.

Qu’est-ce qui les a menés en Syrie? Un autre message de Dieu, affirme Sahale, la fille aînée du fondateur de l’ONG.

« Sinon nous ne serions pas venus », assure cette blonde de 18 ans, chargée habituellement de conduire les blessés vers le principal point d’accueil des civils mis en place par les FDS. Profitant d’une après-midi calme, elle étudie le thaï à l’ombre d’un véhicule blindé.

A ses heures perdues, l’équipe de bénévoles s’adonne entre autres au jogging dans la plaine syrienne ou à la prière, raconte Tyler Sheen, un volontaire âgé de 24 ans.

Originaire du Colorado, il pense être au bon endroit au bon moment pour assister à la chute de l’EI: « c’est le fléau, le mal dont on parle le plus au monde (…) je pense que c’est formidable d’être ici »

– Bétaillères –

Si les volontaires américains affirment être inspirés par une volonté divine, une autre équipe dit elle être motivée par l’argent.

Onze chauffeurs, membres d’une tribu de l’est de la Syrie, ont été engagés par les FDS pour transporter vers les camps de déplacés les civils qui ont été contrôlés et fouillés au peigne fin.

Le trajet vers le camp d’Al-Hol dans le nord de la Syrie durera six heures. Habitués du transport de bétail ou de matériel agricole, les chauffeurs sont payés 75.000 livres syriennes (150 dollars) pour parcourir un aller-retour de 600 km.

« Partout où il y a un trajet nous rapportant de l’argent (…), nous l’assurons », affirme l’un d’entre eux, Farhan al-Ali.

Quitte à consommer des pilules pour rester éveillés, avouent certains.

« Parfois, nous arrivons à Al-Hol à deux ou trois heures du matin, puis nous retournons immédiatement à Al-Chouhayl », raconte Abou Hammoud, un chauffeur de 54 ans, la tête enroulée dans un keffieh rouge et blanc.

Selon le Comité international de secours, un organisation travaillant dans des zones de crises, 51 personnes, notamment des nouveau-nés, sont décédées après leur arrivée au camp d’Al-Hol ou lors d’un de ces « voyages précaires ».

Les Nations Unies ont appelé les autorités kurdes à fournir des moyens de transport plus adaptés, tels que des bus.

« Les enfants me font mal au cœur (…). Ils sont petit et affamés », déplore Abou Hammoud. « Un bébé de 20 jours est mort dans mon camion ».

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