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Bloody Sunday: une demi-heure de tuerie dans les rues de Londonderry

Le "Bloody Sunday", pour lequel un ex-soldat est poursuivi depuis jeudi, marque l'un des jours les plus sombres du conflit…

Le « Bloody Sunday », pour lequel un ex-soldat est poursuivi depuis jeudi, marque l’un des jours les plus sombres du conflit nord-irlandais, lorsque l’armée britannique a tué 13 manifestants pacifistes, le 30 janvier 1972 à Derry.

Ce jour-là, l’Association pour les droits civils en Irlande du Nord (NICRA) appelle à une nouvelle manifestation contre les internements de militants de la communauté catholique qui se multiplient hors de tout contrôle judiciaire depuis août 1971.

La manifestation est illégale: le gouvernement protestant d’Ulster vient d’interdire toute marche ou parade jusqu’à la fin de l’année dans la province britannique secouée par des émeutes, des meurtres et des attentats d’une violence croissante depuis le début des « Troubles » en 1968.

Cela ne décourage pas plusieurs milliers de personnes de se réunir, entre 5.000 et 20.000 selon les sources. Le gros de la manifestation suit l’itinéraire prévu dans le quartier catholique de Bogside, mais une minorité de jeunes descend la William Street pour se diriger vers un poste renforcé de l’armée britannique.

Des affrontements s’ensuivent – une scène devenue quotidienne – et les parachutistes britanniques du régiment du premier bataillon, un corps d’élite, demandent et obtiennent l’ordre de procéder à des arrestations. En fait d’arrestations, les balles fusent pendant une demi-heure, de 16H10 à 16h40. Treize manifestants sont tués sur le coup, un quatorzième décédera plus tard, quinze autres personnes sont blessées. Parmi les morts, six mineurs de 17 ans.

Les soldats affirmeront avoir répondu à des tirs et des jets de bombes incendiaires et n’avoir visé que des manifestants armés. Cette version, largement reprise dans les conclusions très contestées d’une première commission d’enquête britannique en 1972, n’a cependant été confortée par aucun témoignage indépendant. Aucun soldat n’a été blessé ce jour-là et aucune arme n’a été retrouvée du côté des manifestants.

La tuerie suscite une vague d’adhésions de jeunes catholiques à l’Armée républicaine irlandaise (IRA). Le 2 février 1972, une foule folle de rage réduit en cendres l’ambassade britannique à Dublin. Le 24 mars, le gouvernement britannique suspend les institutions d’Ulster et impose son administration directe.

En juin 2010, un rapport d’enquête publié après douze ans d’investigations imputera cette fois la responsabilité de la tuerie aux soldats qui ont « perdu leur discipline » et tiré sur des victimes ne constituant « aucune menace ».

Jeudi, 47 ans plus tard, la justice a décidé de poursuivre un ancien soldat britannique pour deux meurtres et quatre tentatives de meurtre lors de ce « dimanche sanglant », estimant les preuves disponibles « insuffisantes » pour poursuivre d’autres soldats.

Le « Bloody Sunday » a été immortalisé en 1983 par une chanson du groupe irlandais U2. Les violences entre républicains nationalistes et loyalistes unionistes ont fait quelque 3.500 morts en trois décennies, jusqu’à la signature de l’accord du Vendredi saint le 10 avril 1998.

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