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Bolivie: à bord du téléphérique d’El Alto, la mosaïque des classes sociales

A bord du téléphérique urbain entre La Paz et El Alto, sur l'altiplano andin, indigènes, paysans et ouvriers vivant dans…

A bord du téléphérique urbain entre La Paz et El Alto, sur l’altiplano andin, indigènes, paysans et ouvriers vivant dans cette banlieue perchée à plus de 4.100 mètres d’altitude croisent les différentes classes sociales qui peuplent la Bolivie.

Au-dessus des maisons accrochées aux montagnes, les cabines survolent en silence le brouhaha et le trafic infernal de cette ville de près de 2 millions d’habitants située dans un immense canyon rocailleux. Siège du pouvoir politique et administratif, La Paz est la capitale la plus haute du monde, à 3.640 mètres.

Le téléphérique « signifie beaucoup pour nous, dans tous les sens », affirme Cintia Torres Quispe, 25 ans, qui depuis plusieurs années effectue quotidiennement un long trajet à bord de ces cabines. Elle descend depuis sa maison d’El Alto, dans une zone principalement indigène, pour travailler dans le sud huppé de La Paz, aux nombreux magasins et restaurants.

Traditions, coutumes, opportunités: ces quelques centaines de mètres d’altitude qui séparent la capitale de sa banlieue représentent une frontière symbolique, qu’elle franchit pour moins de 40 centimes d’euro.

« Beaucoup d’habitants à El Alto, comme mes parents, n’étaient jamais descendus (à La Paz), pas même au cinéma. Avec le téléphérique, je les ai motivés et ils ont vu que c’était joli, que c’était différent », raconte Cintia à l’AFP.

Avant 2017, lorsque la ligne qu’elle emprunte a été inaugurée, elle mettait plus d’une heure à faire le trajet, à cause des embouteillages. A présent, elle descend en moins de 25 minutes.

Dix lignes, identifiées chacune par une couleur, sillonnent La Paz à travers 36 stations. S’y croisent les « cholitas », ces femmes aymaras aux jupes colorées portant un bébé ou des légumes, des étudiants, des salariés, des ouvriers et même des chefs d’entreprise.

Tous éprouvent de la fierté pour ce moyen de transport qui a rapproché les habitants. Le premier tronçon a été inauguré en 2014, sous le gouvernement du premier président indigène et de gauche de Bolivie, Evo Morales. Aujourd’hui, ses partisans comme ses adversaires s’accordent à dire que le téléphérique est un succès.

Ils reconnaissent en outre que ce réseau a facilité l’intégration des indigènes dans ce pays marqué par les discriminations. Les autochtones représentent 62% des 11,3 millions de Boliviens.

– Sommet enneigé –

A bord de la ligne bleue, les cabines passent si haut au-dessus des quartiers surpeuplés de l’altiplano, que le sommet enneigé de la montagne Huayna Potosi – « jeune colline » en aymara -, à 6.090 mètres d’altitude, semble être à la hauteur du passager.

Les jeudi et dimanche, sur l’avenue 16 de Julio, à El Alto, s’étend un immense marché.

D’interminables rangées de stands de nourriture, de légumes, d’épices et de feuilles de coca, côtoient les chamanes, qui prodiguent leurs conseils.

« A présent, il y a davantage de monde qui vient en téléphérique pour acheter et la population s’est développée également », explique Natividad, une vendeuse de légumes.

El Alto s’est considérablement agrandi ces dix dernières années mais de manière désordonnée. Des milliers d’indigènes et de paysans d’autres provinces ont rejoint cette « terre promise » pour travailler dans l’industrie ou le commerce, surfant sur le boom économique que connaît le pays. La croissance bolivienne est une des plus fortes de la région, en hausse de 4,2% en 2018, selon la Banque mondiale.

Bretislav Moravek, qui dirige une entreprise du textile, emprunte lui aussi le téléphérique. Il considère ce moyen de transport, qui a divisé son temps de trajet par deux, comme « le plus pratique et commode » pour rejoindre son entreprise, explique-t-il dans une cabine de la ligne verte qui conduit jusqu’à Irpavi, quartier aisé de La Paz.

Très critique du président Morales, Bretislav Moravek emprunte tous les jours ce moyen de déplacement et reconnaît la réussite du gouvernement en matière d’intégration et d’éducation, permettant l’émergence d’une « nouvelle classe moyenne aymara ».

Le nombre d’étudiants d’El Alto qui se rendent dans des écoles ou universités privées de La Paz s’est lui aussi développé grâce à des bourses d’études et à des temps de transport réduits. « Avant, le transport représentait un problème et les études étaient chères », résume Gabriel Cirpa, un odontologue de 38 ans.

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