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Bolsonaro, des dérapages verbaux plus ou moins contrôlés

Le président brésilien Jair Bolsonaro a accumulé ces dernières semaines les déclarations fracassantes sur l'Amazonie et la dictature militaire, suscitant…

Le président brésilien Jair Bolsonaro a accumulé ces dernières semaines les déclarations fracassantes sur l’Amazonie et la dictature militaire, suscitant des critiques chez certains alliés, mais sans entamer le soutien de sa base électorale.

Si, au début de son mandat il s’exprimait presque exclusivement sur Twitter, le chef de l’Etat a distillé récemment des dizaines de petites phrases choc lors de points presse impromptus et quasi quotidiens à la sortie de sa résidence ou en marge de cérémonies officielles.

M. Bolsonaro a notamment insinué qu’un disparu de la dictature avait été tué par ses propres camarades de gauche et que les chiffres officiels de la déforestation étaient exagérément alarmistes.

Pour l’écrivain et chroniqueur Antonio Prata, il s’agit d’une façon de « contrôler » le flux d’information sur son gouvernement. Ses dérapages, contrôlés ou non, monopolisent l’attention des médias.

Or, quand le président brésilien remet en cause les chiffres officiels sur la déforestation, « ce n’est plus la fin du politiquement correct, c’est la fin de l’Amazonie, avec des conséquences pour le monde entier », déplore-t-il.

« Pinocchio n’était pas un pantin de bois polémique, c’était un pantin menteur », affirme cet écrivain célèbre pour ses chroniques dans le quotidien Folha de S. Paulo.

L’agence de vérification des faits Aos Fatos a recensé plus de 230 déclarations du chef de l’Etat entachées d’informations fausses ou distordues depuis le début de son mandat, en janvier.

– « Acte de foi » –

Les positions controversées de Jair Bolsonaro ne datent pas d’hier. Tout au long de sa carrière politique, l’ex-capitaine de l’armée, qui a été député pendant près de trois décennies, a souvent défrayé la chronique avec ses dérapages racistes, machistes ou homophobes.

Mais à l’image du président américain Donald Trump, dont il est un fervent supporter, il est parvenu malgré toutes les controverses à maintenir un noyau dur de partisans, avec une cote de popularité stable autour de 30%.

Marcio Santos, 48 ans, chauffeur de taxi à Sao Paulo, a voté pour lui à la présidentielle d’octobre, et serait prêt à faire de même s’il se représentait en 2022.

« C’est vrai qu’il parle trop parfois, mais il fait en sorte que les routes soient goudronnées et il va augmenter les points du permis de conduire », affirme-t-il.

Pour Christian Lynch, politologue de l’Université de l’Etat de Rio (Uerj), voter Bolsonaro est « un acte de foi ».

Depuis la fin de la dictature militaire, en 1985, « c’était tabou d’être conservateur au Brésil », rappelle-t-il.

C’est pourquoi la vague ultra-conservatrice qui a porté M. Bolsonaro peut être perçue comme « une réaction à la sensation d’hégémonie de la gauche », restée 13 ans au pouvoir (2003-2016) avec le Parti des Travailleurs, plombé par de nombreux scandales de corruption.

– « J’ai gagné, putain! » –

M. Bolsonaro se voit « en tant que leader indiscutable de la droite », comme l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) s’était imposé en chef de la gauche, explique Christian Lynch.

Ainsi, le chef de l’Etat brésilien ne cesse de diaboliser les médias qui, selon lui, empêchent le pays d’avancer parce qu’ils n’ont pas accepté sa victoire.

« La campagne est finie. La presse doit comprendre que j’ai gagné, putain! », a-t-il scandé lundi dans un discours lors de l’inauguration d’une centrale solaire dans l’Etat de Bahia (nord-est).

Jair Bolsonaro sait que le succès de son mandat dépend de ses résultats économiques, dans un pays à la croissance anémique qui compte près de 13 millions de chômeurs.

Les milieux d’affaires continuent de le soutenir, parce que les mesures d’austérité et les privatisations promises sont finalement sur les rails, après quelques mois d’hésitations.

Ce qui fait dire à Christian Lynch que « pour le moment, la gouvernabilité n’est pas menacée ».

« La principale crainte des marchés était que le comportement de Bolsonaro affecte son capital politique et, par conséquent, sa capacité à mettre en oeuvre les réformes économiques. Mais ça ne s’est pas produit », souligne Rafael Passos, du cabinet de consultants Guide Investimentos.

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