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Bosnie : un pays divisé et usé aux urnes

Les Bosniens ont voté pour beaucoup sans illusion dimanche, usés par la pauvreté et la corruption et lassés de politiques…

Les Bosniens ont voté pour beaucoup sans illusion dimanche, usés par la pauvreté et la corruption et lassés de politiques qui ont encore joué sur les réflexes communautaires avant les élections générales.

Dans un scrutin aussi complexe que des institutions dessinées selon des lignes identitaires après la guerre intercommunautaire de 1992-95, ils désignent leurs diverses assemblées parlementaires ainsi que les trois membres de la présidence collégiale : un Bosniaque (musulman), un Serbe (orthodoxe) et un Croate (catholique).

Comme en 2014, « les nationalistes vont encore gagner et rien ne changera », prédit Armin Bukaric, homme d’affaires de 45 ans de Sarajevo. « Ces gens sont depuis très longtemps au pouvoir. Certains pensent qu’ils sont des Dieux », dit Vesna Paul, une employée de banque d’une cinquantaine d’années de Banja Luka (nord), capitale des Serbes de Bosnie.

Vingt-cinq ans après le conflit (100.000 morts), les principaux ont joué sur la corde nationaliste, notamment le Serbe Milorad Dodik et le Croate Dragan Covic, mais aussi les prétendants bosniaques.

Votant dans son village de Laktasi (nord), Milorad Dodik s’est dit convaincu d' »une grande victoire » face à son rival chez les Serbes, le centriste Mladen Ivanic. Il deviendrait alors coprésident d’un pays dont il a répété pendant la campagne qu’il n’était à ses yeux « pas un Etat ».

– « Lutter contre eux là-bas » –

En votant, Milorad Dodik a confirmé qu’élu, il exercerait sa charge « uniquement dans l’intérêt ou au profit de la Republika Srpska », l’entité des Serbes de Bosnie. Celle-ci est dotée d’une grande autonomie, comme l’autre entité, la fédération croato-musulmane. Toutes deux sont liées par de faibles institutions centrales.

Une de ses supportrices de Laktasi, Jadranka Pavic, espère voir Milorad Dodik intégrer la présidence collégiale et aller « à Sarajevo pour lutter contre eux là-bas ».

Par le passé, cet homme qui affiche sa proximité avec le président russe Vladimir Poutine a évoqué à plusieurs reprises un référendum d’indépendance de la Republika Srpska, qu’il dirige depuis 2006. Les Serbes représentent un tiers des 3,5 millions d’habitants.

Dragan Covic souhaite, lui, que les Croates (15%) aient leur propre entité, jugeant qu’ils sont aujourd’hui soumis à la domination politique des Bosniaques (plus de 50%) dans leur fédération commune.

La présidence collégiale est notamment en charge des politiques étrangère et de défense, l’essentiel du pouvoir, notamment la police ou la politique économique, étant entre les mains des deux entités.

Mais si Milorad Dodik et Dragan Covic siégeaient ensemble dans la présidence, leur association ferait peser des risques réels de décomposition de la Bosnie, selon leurs adversaires : « Il faut les séparer l’un de l’autre! », a exhorté Zeljko Komsic, adversaire social-démocrate de Dragan Covic.

Selon l’analyste politique Zoran Kresic, lassés « des mêmes histoires, des messages guerriers et de l’impossibilité à vivre ensemble, (…) la plupart des jeunes voient leur avenir en dehors de la Bosnie ».

Le revenu moyen du pays est de 430 euros, le chômage touche de 20% à un tiers des habitants, selon les critères retenus.

– Listes électorales douteuses –

Samedi, le groupe hip-hop de Sarajevo « Helem Nejse » a sorti un clip : un père couche ses enfants avant de prendre un bus pour l’Allemagne. Les paroles résument l’état d’esprit de beaucoup : « Vous avez mené les guerres, maintenant vous menez la paix », « Depuis plus de vingt ans vous œuvrez pour diviser », « Vous m’écœurez dans les trois langues », le bosniaque, le croate et le serbe.

En début d’après-midi (15H00 locales, 13H00 GMT), la participation était pratiquement équivalente à celle de 2014 (37,21% contre 36,6%).

Dans un rapport récent, l’ONG Transparency International détaillait les irrégularités électorales lors des élections locales de 2016, notamment la promesse d’embauche aux électeurs dans les entreprises publiques, tenues par les partis politiques. Avec l’administration, elles pèsent pour 25% des emplois du pays.

Les listes électorales sont sujettes à caution : elles comptent 3,3 millions d’électeurs, soit à peine moins que le nombre d’habitants, et un million de plus qu’en 2004. « Est-ce qu’on meurt dans ce pays? », ironise Amer Bekan, président d’un petit parti.

Le scrutin sera clos à 19H00 locales (17H00 GMT). Les premiers résultats sont attendus dans la nuit.

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