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Bosnie: une nouvelle présidence et des nationalistes pour un pays paralysé

Trois coprésidents prêtent serment mardi en Bosnie, dont le nationaliste serbe prorusse Milorad Dodik, qui considère comme un "concept raté"…

Trois coprésidents prêtent serment mardi en Bosnie, dont le nationaliste serbe prorusse Milorad Dodik, qui considère comme un « concept raté » ce pays paralysé par ses divisions communautaires un quart de siècle après la guerre.

Cette situation politique apparaît comme un défi supplémentaire pour les institutions de ce petit pays pauvre des Balkans, en proie au clientélisme, à la corruption, au chômage (entre 20% et un tiers de la population selon les critères), et d’où ont émigré depuis cinq ans quelque 170.000 personnes, selon des ONG.

Devant le consulat de Slovénie où il vient demander un visa de travail, Almir Korjenic, 32 ans, résumait la veille de la prestation de serment (prévue à 13H00 GMT), la désillusion de nombreux compatriotes: « Il n’y plus rien à attendre ici. Ils se disputent avant les élections pour mieux se retrouver après et reprendre le pillage du pays. »

Prévue par l’accord de Dayton qui avait mis fin au conflit de 1992-95 (100.000 morts), cette présidence à trois têtes sortie des élections du 7 octobre, est censée représenter les principales communautés: les Bosniaques musulmans (environ la moitié des 3,5 millions d’habitants), les Serbes orthodoxes (un tiers) et les Croates catholiques (15%).

Les deux premières sont représentées par des nationalistes: le conservateur Sefik Dzaferovic, 61 ans, dont le parti SDA affiche sa proximité avec le président turc Recep Tayyip Erdogan; et Milorad Dodik, 59 ans, qui revendique son amitié avec Vladimir Poutine et exercera en premier, pendant huit mois, la présidence tournante.

– Quel dénominateur commun ? –

A leur côté, le social-démocrate Zeljko Komsic, 54 ans, assure vouloir bâtir une « Bosnie des citoyens », transcendant les communautés. Mais sa légitimité est attaquée par le principal parti croate (HDZ, nationaliste) qui l’accuse de devoir son poste à des voix bosniaques et de trahir les siens. Les députés HDZ sont en position de bloquer le travail parlementaire. Zeljko Komsic « ne représente personne », tranchait lundi le principal quotidien croate du pays, Vecernji List.

« Il est pour le moment très difficile de déceler un dénominateur commun entre Dodik, Komsic et Dzaferovic pour un travail constructif. Ces trois-là devront décider s’ils souhaitent agir comme en organe qui cherche des points d’accords ou qui génère les problèmes », analyse le journaliste politique Ranko Mavrak.

De divisions jamais surmontées découle un empilement administratif ubuesque. La Bosnie, ce sont deux grandes entités largement autonomes, une République serbe (Republika Srpska) et une fédération croato-bosniaque elle-même divisée en une dizaine de cantons; ce sont treize gouvernements (et 180 ministres), cinq parlements, 212.000 employés publics dont les salaires absorbent près d’un tiers des recettes fiscales…

– « Administration coloniale » –

La large victoire de Milorad Dodik chez les Serbes semble un coup supplémentaire aux institutions centrales qu’il a toujours ouvertement méprisées. « Ma politique ne change pas, c’est juste mon lieu de travail qui change », a dit lundi celui qui présidait jusqu’à présent l’entité serbe.

Il a toutefois récemment modéré sa rhétorique, souhaitant une coopération « dans l’intérêt de tout le monde » pour accélérer la marche vers l’Union européenne.

« Il est encore difficile de dire si Dodik sera constructif et s’il va travailler dans l’intérêt de l’Etat » mais « il me semble qu’il tend la main d’un geste conciliant », dit l’analyste politique indépendante Tanja Topic.

Personnage central depuis près de 20 ans, Milorad Dodik fut un protégé des Occidentaux à qui il doit son ascension-éclair avant de leur tourner le dos.

Il a répété sa volonté d’exiger le départ du Haut représentant de la communauté internationale, garant de Dayton, poste occupé depuis 2009 par l’Autrichien Valentin Inzko. Il entend aussi que partent les trois juges internationaux qui siègent à la Cour constitutionnelle, aux côtés des Bosniaques, Serbes et Croates.

« Si on ne trouve pas d’accord pour éloigner les étrangers (…), je ne sais pas de quoi d’autre on pourrait discuter », a prévenu Dodik, qui dénonce une « administration coloniale » pour un pays « occupé de l’intérieur ».

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