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Brésil: un juge anticorruption super-ministre de la Justice de Bolsonaro

Le juge Sergio Moro, héraut de la lutte anticorruption très populaire au Brésil et "tombeur" de l'ex-président emprisonné Lula, a…

Le juge Sergio Moro, héraut de la lutte anticorruption très populaire au Brésil et « tombeur » de l’ex-président emprisonné Lula, a accepté jeudi de devenir le ministre de la Justice et de la Sécurité publique du président élu d’extrême droite Jair Bolsonaro.

« La perspective de mettre en oeuvre de fortes mesures contre la corruption et le crime organisé (…) m’a amené à prendre cette décision », a expliqué le de 46 ans dans un communiqué.

Une prise de choix pour l’administration Bolsonaro, qui prendra ses fonctions en janvier: même s’il ne fait pas l’unanimité, la popularité du juge Moro est telle que de nombreux Brésiliens portent des t-shirts à son effigie.

Plusieurs dizaines de ces fans faisaient le pied de grue jeudi matin à l’entrée du complexe de la résidence du président élu, où Sergio Moro s’est rendu depuis Curitiba (sud).

Après plusieurs heures de réunion, le juge est sorti de la voiture qui le ramenait vers l’aéroport pour s’adresser aux dizaines de journalistes qui tentaient de se frayer un passage parmi les fans.

Mais la situation était si chaotique qu’il a fini par remonter dans le véhicule sans pouvoir s’exprimer, acclamé par ses admirateurs.

L’annonce officielle est tombée quelques minutes plus tard, dans un communiqué du bureau du magistrat à Curitiba, suivi d’un tweet de Jair Bolsonaro lui-même, précisant que le futur ministre aurait comme priorité « la lutte contre la corruption et le crime organisé, dans le respect de la Constitution et des Lois ».

– Impartialité en cause –

À Brasilia, Sergio Moro sera à la tête d’un « super ministère », qui comprendra également les compétences du ministère actuel de la Sécurité publique, créé en février dernier pour coordonner les différentes forces de police dans la lutte contre le crime organisé.

Il s’est fait connaître en tant que juge de première instance chargé de l’opération « Lavage express », enquête tentaculaire qui a révélé un gigantesque réseau de corruption autour du groupe étatique Petrobras et a éclaboussé la classe politique.

Son principal fait d’armes: la condamnation de l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2012), qui purge depuis avril une peine de 12 ans et un mois de réclusion pour corruption et blanchiment à Curitiba (sud), à un jet de pierre des bureaux du juge Moro.

En acceptant l’invitation du président élu, le magistrat donne du grain à moudre à ses détracteurs, qui mettent régulièrement en doute son impartialité.

La gauche l’accuse notamment de s’être acharné contre Lula, condamné « sans preuve », selon ses avocats.

« Moro a toujours eu une attitude politique. À plusieurs reprises il a influencé la dynamique de la politique brésilienne », explique Daniel Vargas, spécialiste en droit public de la Fondation Getulio Vargas.

Il fait notamment allusion au fait que le magistrat a été mis en cause pour avoir divulgué à la presse à des moments stratégiques des éléments d’enquête censés être sous le sceau du secret judiciaire.

– Cinquième ministre confirmé –

Dans son communiqué de jeudi, le juge Moro a déjà laissé entendre qu’il suspendrait de fait ses activités au sein l’opération « Lavage express » d’ici sa prise de fonction « pour éviter les controverses inutiles ».

Sergio Moro est le cinquième ministre dont le nom a été confirmé officiellement par Jair Bolsonaro.

Mercredi, l’astronaute Marcos Pontes avait été désigné au portefeuille des Sciences, après le général de réserve Augusto Heleno Ribeiro à la Défense, le député Onyx Lorenzoni comme chef de gouvernement et l’économiste ultra-libéral Paulo Guedes à la tête d’un super-ministère de l’Economie.

Les tractations en vue de la formation du futur gouvernement Bolsonaro sont toutefois entachées d’une polémique autour de la fusion entre les ministères de l’Agriculture et de Environnement, fortement critiquée par les écologistes.

Confirmée par Onyx Lorenzoni dans un premier temps mardi, elle a été remise en cause par la suite par d’autres membres de l’équipe de transition du futur gouvernement.

Autre sujet de controverse: une déclaration au journal israélien Hayom réitérant une promesse de campagne à haut risque sur le plan diplomatique: le transfert de l’ambassade de son pays en Israël de Tel-Aviv à Jérusalem.

S’il passe aux actes, le Brésil deviendrait le troisième pays à faire ce choix, après le Guatemala et surtout les Etats-Unis, dont la décision, rompant avec des décennies de diplomatie américaine, a ulcéré les Palestiniens.

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