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Brexit: Dominic Cummings, un « perturbateur en chef » à Downing Street

"Psychopathe carriériste", "perturbateur en chef": c'est un stratège politique non orthodoxe que le Premier ministre britannique Boris Johnson a choisi…

« Psychopathe carriériste », « perturbateur en chef »: c’est un stratège politique non orthodoxe que le Premier ministre britannique Boris Johnson a choisi comme conseiller spécial, Dominic Cummings, connu comme le cerveau de la campagne en faveur du Brexit.

Avec sa rhétorique acerbe, Dominic Cummings, 47 ans, s’est attiré de nombreux ennemis, y compris au sein du Parti conservateur, dont il ne fait d’ailleurs pas partie.

Depuis l’arrivée au pouvoir de Boris Johnson en juillet, il aurait été à l’origine d’une série de licenciements d’assistants ministériels accusés de ne pas défendre avec assez de vigueur la cause du Brexit, dont la conseillère du ministre des Finances Sajid Javid, Sonia Khan, brutalement remerciée, sans même semble-t-il que M. Javid en soit informé à l’avance.

Il serait aussi derrière l’annonce de Boris Johnson la semaine dernière de suspendre le Parlement jusqu’à mi octobre, deux semaines avant l’échéance du Brexit, fixée au 31 octobre, décriée par ses opposants comme une tentative de les bâillonner.

Dans un téléfilm diffusé en janvier sur Channel 4, « Brexit: The Uncivil War » (Brexit, la guerre incivile), Dominic Cummings, interprété par Benedict Cumberbatch, est dépeint en agitateur déployant des tactiques tirées de « L’art de la guerre » de Sun Tzu.

Qualifié de « psychopathe carriériste » par l’ancien Premier ministre conservateur David Cameron, il a aussi déjà été comparé à Steve Bannon, l’ex-conseiller controversé du président américain Donald Trump.

– « Crise unique » –

« Dominic Cummings est le perturbateur en chef – il est stratégiquement résolu et idéologiquement iconoclaste », estime Tim Bale, professeur de politique à l’Université Queen Mary de Londres, dans son livre « Le Parti conservateur: de Thatcher à Cameron ».

« Les fonctionnaires et les apparatchiks du parti pourraient bien être agacés par ce conseiller, mais pour Johnson, c’est un prix qui vaut la peine d’être payé », si Dominic Cummings lui permet de réussir le Brexit, selon lui.

Les partis d’opposition ont critiqué sa nomination, rappelant qu’il a été reconnu coupable d’outrage au Parlement en mars pour avoir refusé de comparaître devant une commission enquêtant sur la diffusion de fausses informations pendant la campagne du référendum du Brexit en 2016.

Sur son blog, Dominic Cummings a affirmé que le Royaume-Uni traversait « une crise unique sur cinquante ou cent ans » dont il fallait profiter « pour changer des choses normalement immuables ».

Né à Durham (nord de l’Angleterre), d’un père gestionnaire d’un projet de plateforme pétrolière et d’une mère institutrice, il a fréquenté une école privée puis la prestigieuse université d’Oxford. Russophile, passionné par l’écrivain Dostoïevski, Dominic Cummings a vécu en Russie après ses études, où il a contribué, dans les années 90, au lancement d’une compagnie aérienne, qui n’a finalement pas décollé.

De retour au Royaume-Uni, il a fait ses armes en politique en menant plusieurs campagnes, notamment contre l’adoption de l’euro.

– « Entrisme » –

En 2002, il a été nommé directeur de la stratégie du Parti conservateur mais il a quitté ses fonctions huit mois plus tard, jugeant « incompétent » le chef des Tories de l’époque, Iain Duncan Smith. Il est ensuite devenu conseiller spécial du ministre de l’Education, Michael Gove, devenu entre temps le bras droit de Boris Johnson.

Directeur de la campagne pro-Brexit « Vote Leave », il a joué un rôle décisif en menant une campagne active basée sur les réseaux sociaux et la collecte de données personnelles. Les méthodes de « Vote Leave » ont été mises en cause depuis, en particulier l’utilisation de slogans trompeurs et de publicités politiques ciblées.

Mais le succès du référendum pour le Brexit, où le « Leave » l’a emporté à près de 52%, a fait de lui un stratège sachant faire mentir les pronostics.

Il reste toutefois sulfureux pour l’aile modérée du parti: mardi encore, l’ancien ministre conservateur des Finances Philip Hammond, opposé à une sortie de l’UE sans accord, a lancé sur la BBC à son encontre une critique à peine voilée, dénonçant « les nouveaux venus », ceux qui font de l »‘entrisme » et « essaient de transformer » le Parti conservateur pour le rendre moins ouvert à différents courants politiques.

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