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Brice Laccruche Alihanga, l’ex-puissant directeur de cabinet de Bongo qui s’est brûlé les ailes

Il était perçu, depuis l'AVC du président Ali Bongo Ondimba, comme l'homme le plus puissant du Gabon mais il a…

Il était perçu, depuis l’AVC du président Ali Bongo Ondimba, comme l’homme le plus puissant du Gabon mais il a été incarcéré un an après, cible d’une vaste opération anticorruption. Au sommet du pouvoir, le Franco-Gabonais Brice Laccruche Alihanga, ex-directeur de cabinet de la présidence, s’est brûlé les ailes.

Sa fulgurante ascension politique a été stoppée net début novembre, quand, à la surprise générale, M. Laccruche, 39 ans, a été limogé du poste de directeur de cabinet du chef de l’Etat, qu’il occupait depuis plus de deux ans.

Sa révocation a marqué le coup d’envoi d’une vague d’interpellations touchant plus de vingt de ses proches pour des faits présumés de détournements de fonds publics. M. Laccruche a finalement été placé sous mandat de dépôt vendredi, dix jours après avoir été interpellé.

Qui est vraiment Brice Laccruche Alihanga ? Teint pâle et cheveux brun rejetés en arrière, il se présente comme un « enfant métis », fils d’une Française et d’un ingénieur du Haut-Ogooué (sud-est), quand la rumeur locale et une partie de l’opposition lui dénient toute origine africaine.

Selon sa biographie, il a suivi toute sa scolarité à Libreville, avant d’entrer dans le privé. Il s’engage en politique relativement tard, devenant l’un des responsables les plus actifs de la jeunesse soutenant Ali Bongo lors de la présidentielle de 2016. Un scrutin controversé, remporté finalement par son candidat.

Remarqué à cette occasion par la famille Bongo, Brice Laccruche est nommé par le chef de l’Etat, un an plus tard, en août 2017, directeur de cabinet de la présidence.

Le poste devient crucial en octobre 2018: le président, au pouvoir depuis 10 ans après avoir succédé à son père Omar Bongo, resté 42 années à la tête du Gabon, est alors considérablement affaibli par un accident vasculaire cérébral et disparaît de longs mois, en convalescence au Maroc puis s’affichant en public à de très rares occasions.

En quelques mois, M. Laccruche place ses proches à des postes clefs, plusieurs caciques du régime sont aussi évincés.

– « Des courbettes de ministres » –

« Les autorités administratives, politiques, les membres du gouvernement se sont couchés devant lui », affirme à l’AFP un ami de longue date de M. Laccruche, sous le couvert de l’anonymat.

« On a vu des ministres qui faisaient des courbettes, d’autres qui se faisaient rabrouer en public », dit-il. Au même moment, l’opposition dénonce sa mainmise sur le pouvoir, assurant que M. Bongo n’est plus aux commandes.

A l’été 2019, M. Laccruche se lance dans une tonitruante « tournée républicaine ». Présenté comme le « messager intime » de M. Bongo, il harangue les foules, pose en costume local, instruments traditionnels à la main.

Lors d’un meeting début octobre à Libreville, debout sur la scène, il pointe du doigt des ministres et tonne: « Celui qui déconne, il sera sèchement écarté. Et à ceux qui ne sont pas contents, on leur dira: celui qui boude, il bouge ».

Une partie de la presse se déchaîne contre lui, lui prêtant toutes les ambitions.

Lui n’a jamais caché sa fascination pour le pouvoir.

Dans un essai publié en 2016, il égrène la liste de ses modèles: Napoléon, Nicolas Sarkozy et Barack Obama…

– « Le white, l’étranger » –

Il en profite pour répondre à ceux qui voient sa montée en puissance comme une preuve de l’influence au Gabon de l’ancienne puissance coloniale, la France.

« Aux yeux de certains, j’étais et je reste encore le +white+, l’+étranger+ », écrit-il, mais il affirme avec passion: « J’ai choisi le Gabon ».

Il n’y a pas si longtemps, en 2013, il dirigeait la branche gabonaise de la banque BGFIBank, avant d’être entendu comme témoin dans une affaire de malversations.

« Une histoire abracadabrante » dans laquelle il a été « très rapidement innocenté », affirme-t-il dans son ouvrage.

Sans convaincre l’opposition, notamment Jean Ping, candidat malheureux à la présidentielle de 2016. Mi-octobre, ce dernier estime qu' »un repris de justice » a profité de l’AVC du président et qu’un « Etat mafieux et prédateur a pris les commandes ».

« Professionnellement, il a toujours été très investi, c’est quelqu’un de très brillant », déclare à l’AFP son ami qui lâche: « Sa grande faiblesse, dans tout son parcours, c’est d’avoir toujours été quelqu’un de pressé, dans les affaires comme en politique ».

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