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Brunson, le pasteur au coeur de la crise entre la Turquie et les Etats-Unis

Le pasteur Andrew Brunson, dont un tribunal a ordonné la libération vendredi, n'aurait sans doute jamais imaginé se retrouver un…

Le pasteur Andrew Brunson, dont un tribunal a ordonné la libération vendredi, n’aurait sans doute jamais imaginé se retrouver un jour au coeur de la plus grave crise diplomatique entre la Turquie et les Etats-Unis depuis 40 ans.

La décision de la cour met fin pour le pasteur à un an et demi de prison et plus de deux mois d’assignation à résidence, lui permettant ainsi de regagner son pays.

L’univers de cet homme âgé de 50 ans, originaire de Caroline du Nord et établi en Turquie depuis un quart de siècle, a basculé en octobre 2016 lorsqu’il a été arrêté avec son épouse, Norine, dans la vague des purges lancées à la suite d’un coup d’Etat manqué.

Ankara accuse Andrew Brunson, qui dirigeait jusqu’à son arrestation une petite église protestante dans la province d’Izmir (ouest de la Turquie), d’espionnage et d’activités « terroristes ».

Il a été condamné vendredi à trois ans, un mois et quinze jours d’emprisonnement, mais le tribunal l’a remis en liberté en tenant compte du temps qu’il a déjà passé en prison et de son comportement pendant son procès.

Il s’est vu infliger cette peine de prison après avoir été reconnu coupable de « soutien à des « organisations terroristes », en l’occurrence le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK, sépartistes kurdes) et le réseau de Fethullah Gülen, le prédicateur accusé par Ankara d’avoir orchestré le putsch manqué de juillet 2016. Fethullah Gülen dément fermement ces accusations.

« Je suis un homme innocent. J’aime Jésus, j’aime la Turquie », a déclaré la pasteur, un homme au visage rond portant de fines lunettes, lors de l’audience vendredi.

Si son interpellation a fait peu de vagues à l’époque, son maintien en détention pendant plus d’un an et demi, puis son assignation à résidence ont fini par provoquer la colère des Etats-Unis qui ont imposé des sanctions contre Ankara.

L’escalade des tensions autour de l’affaire Brunson a provoqué l’effondrement de la livre turque en août, entraînant un vent de panique sur les places boursières à travers le monde.

Alors que les deux pays ont exprimé leur volonté de dépasser leurs différends, la justice turque a annoncé vendredi la libération du pasteur Brunson, qui a passé son 50ème anniversaire derrière les barreaux en janvier dernier.

Il s’était présenté à son procès vêtu d’un costume sombre. Avant l’ouverture de l’audience, son épouse et lui se sont tenus face à face, les yeux dans les yeux et la main sur le coeur.

– Il s’exprime dans un turc châtié –

L’Eglise évangélique presbytérienne (EPC), à laquelle appartient M. Brunson, explique qu’il s’est installé en Turquie en 1993 sous les auspices du programme missionnaire « World Witness » de l’Eglise presbytérienne réformée.

Au cours d’une précédente audience de son procès, M. Brunson a indiqué qu’il s’était installé à Izmir en 2000 avant d’ouvrir l’Eglise Dirilis (« Résurrection ») en 2010.

Avant son arrestation, l’église, si petite qu’il est facile de passer à côté sans même la remarquer, ne comptait que quelques dizaines de fidèles.

« Je n’ai rien fait contre la Turquie. Au contraire, j’aime la Turquie, je prie pour elle depuis 25 ans », a assuré le pasteur lors de son procès, s’exprimant dans un turc châtié.

Lors d’une audience en juillet, M. Brunson a également affirmé qu’il « pardonnait » à tous ceux qui l’accusent, selon lui à tort.

Donald Trump a exprimé son soutien au pasteur sur Twitter à plusieurs reprises, le décrivant comme un « formidable chrétien et père de famille » et « une personne magnifique », dont la détention était une « honte totale ».

– « Otage » pour Trump –

Les Etats-Unis et la Turquie ont eu recours à des sanctions réciproques dans cette affaire.

Elle est à l’image du malaise qui existe actuellement entre Washington et Ankara, dont les relations ont été endommagées par de nombreux désaccords.

La Turquie est notamment furieuse de ne pas avoir réussi à obtenir l’extradition de Fethullah Gülen.

Les responsables turcs ont démenti retenir le pasteur en « otage », comme ils ont été accusés de le faire, notamment par M. Trump. Ils martèlent que la justice turque est indépendante et qu’ils ne sont pas en mesure d’intervenir.

Mais M. Erdogan lui-même avait suggéré en septembre dernier d’échanger le pasteur Brunson contre M. Gülen, une proposition rejetée par Washington.

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