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Cameroun: début du procès du principal opposant à Paul Biya

Il est arrivé deuxième à l'élection présidentielle au Cameroun en 2018 et risque théoriquement la peine de mort: l'opposant Maurice…

Il est arrivé deuxième à l’élection présidentielle au Cameroun en 2018 et risque théoriquement la peine de mort: l’opposant Maurice Kamto est jugé aux côtés de 90 de ses partisans pour « insurrection » à partir de vendredi par un tribunal militaire à Yaoundé.

Le procès de M. Kamto s’ouvre dans ce pays longtemps considéré comme îlot de stabilité en Afrique centrale – où le président Paul Biya règne en maître depuis 36 ans – mais confronté ces dernières années à de multiples crises.

A la menace terroriste dans l’extrême-nord du pays, s’est ajouté un grave conflit dans les régions de l’ouest, où l’armée et des séparatistes anglophones s’affrontent depuis deux ans. A ces périls, s’est superposée une crise politique après la présidentielle d’octobre 2018.

Depuis la proclamation de la victoire du président Biya pour un septième mandat consécutif, des manifestations pacifiques sont organisées dans plusieurs villes du pays par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC), le parti de M. Kamto, qui estime avoir remporté l’élection.

C’est à l’issue d’une de ces marches que Maurice Kamto et des centaines de ses partisans avaient été interpellés par les forces de l’ordre fin janvier.

Après plus de sept mois d’emprisonnement, 91 de ces opposants doivent être jugés vendredi pour « hostilité contre la patrie », « rébellion » et « insurrection ». Ils risquent théoriquement la peine de mort, même si elle n’est plus appliquée dans ce pays d’Afrique centrale.

– « Alibi politique » –

« Rien ne justifie que M. Kamto et ses partisans ne soient incarcérés depuis huit mois dans ces conditions », a déclaré jeudi à l’AFP leur avocat français Me Antoine Vey.

« Aucun n’a participé à des actes de violences, aucun n’a appelé à des actes de violence ou à la rébellion. Il n’y a pas de raison à leur arrestation en dehors de l’alibi politique », a ajouté celui qui a saisi, fin avril, le Groupe de travail sur la détention arbitraire des Nations unies.

A quelques jours de l’ouverture du procès, M. Kamto, 65 ans, et ses alliés ont déclaré lundi « être prêts à faire face à la justice pour que la vérité éclate dans cette affaire ». Ils ont conditionné leur présence vendredi à un libre accès du public et de la presse à la salle d’audience.

Plusieurs représentants de la société civile et des partis d’opposition camerounais ont exhorté mercredi les Camerounais à « assister en masse à ce procès, afin d’assurer la transparence du système judiciaire ».

Avocat au barreau de Paris et ancien ministre délégué à la Justice au Cameroun, M. Kamto bénéficie également du soutien dans ce procès des ONG internationales et des puissances occidentales.

– « Pression » sur Biya –

En mars, les Etats-Unis avaient déclaré qu’il serait « sage de le libérer », suivi de près par l »Union européenne, qui avait parlé de « procédure disproportionnée ».

Les associations de défense des droits de l’homme avaient, elles, dénoncé par exemple la compétence du tribunal militaire à juger ces civils. « Les autorités doivent les libérer immédiatement et abandonner toutes les charges retenues contre eux », avait exhorté fin juillet Amnesty international.

Longtemps silencieuse, la France, ancienne puissance coloniale, était sortie de son mutisme fin mai, réclamant aussi leur libération. « On connaît les qualités de M. Kamto, nous faisons pression fortement sur le président Biya pour qu’il puisse agir et élargir ces prisonniers », a répété mardi le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian.

Les avocats de l’opposant ont transmis au tribunal militaire une liste de 31 témoins, dont deux ministres, le patron de la police et d’autres hauts gradés de l’armée et de la police.

Parmi les accusés qui comparaîtront aux côtés de M. Kamto, figurent notamment Christian Penda Ekoka, ex-conseiller économique du président Biya, et un célèbre rappeur, Valsero, connu pour ses textes critiques à l’égard du régime de Yaoundé.

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