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Cameroun : la guerre contre Boko Haram éclipsée par le conflit sécessionniste

Les méfaits de la secte islamiste Boko Haram, dans la région camerounaise de l'Extrême-Nord, passent de plus en plus au…

Les méfaits de la secte islamiste Boko Haram, dans la région camerounaise de l’Extrême-Nord, passent de plus en plus au second plan de l’actualité nationale au profit de la crise sécessionniste anglophone, a constaté APA sur place.Que ce soit au niveau gouvernemental ou dans les médias, la relation des incursions attribuées au mouvement jihadiste relève désormais de l’exception à l’instar des deux villageois tués dans la nuit de lundi à mardi à Gakara, des trois membres de comités de vigilance égorgés la veille à Double, Kangaleri et Masla, ou encore du civil assassiné et des quatre autres enlevés trois jours plus tôt à Goudoumboul-Kouyape.

Elle semble désormais loin, l’époque où le ministre de la Communication tenait régulièrement des points de presse pour vanter les prouesses de l’armée sur le théâtre des opérations, faire l’inventaire des dégâts et l’énumération des morts, civils ou militaires.

Désormais, tous les moyens humains, logistiques et communicationnels semblent destinés à la crise sécessionniste qui, depuis octobre 2016, déchire les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.

En revanche, les pouvoirs publics mettent un point d’honneur à promouvoir le Comité de désarmement, de démobilisation et de réintégration (Cnddr), mis sur pied en fin novembre 2018 par décret du chef de l’État Paul Biya. C’est dans le même esprit qu’ils s’emploient à promouvoir le projet Jeunesse et stabilisation pour la paix et la sécurité dans la région de l’Extrême-Nord, d’une enveloppe de 1,5 milliard FCfa et qui ambitionne l’encadrement de 30 000 jeunes filles et garçons âgés de 12 à 25 ans, issus des communes les plus affectées par la crise sécuritaire.

Pour le politiste et écrivain Enoh Meyomesse, la lassitude fait que le conflit perd sa place dans l’actualité. Le journaliste et militant des droits de l’homme Venant Mboua, lui, a une position plus tranchée : «Le régime Biya est dépassé par la gestion du Cameroun, qui est trop grand pour lui mais dans les faits les moyens financiers et matériels font défaut. De plus, la crise anglophone est politique alors que la guerre contre Boko Haram ne l’est pas. Boko Haram ne déstabilise pas politiquement Biya, la restauration anglophone, si.»

L’essayiste Etienne De Tayo, pour sa part, pense que conformément à la théorie de l »’agenda setting », la guerre contre Boko Haram a « vieilli » et à été chassée par deux autres centres d’intérêt plus actuels, et peut-être même plus proches de nos préoccupations quotidiennes. Il s’agit de la guerre séparatiste et du fameux conflit post-électoral qui ne cesse d’étendre ses tentacules jusque dans la diaspora.

«Quoi qu’on dise, Boko Haram est une guerre des autres qui cherche un enracinement chez nous, alors les deux autres conflits nous sont consubstantiels et menacent le pouvoir de très près. En presque une décennie, Boko Haram n’a pas pu sortir des frontières de l’Extrême-Nord pour se faire entendre au Nord, par exemple. Et même dans l’Extrême-Nord, seuls deux départements, le Logone et Chari et le Mayo Sava, sont réellement touchés. Cette guerre ne peut donc qu’être oubliée, ou sortie de l’agenda médiatique.»

Plus cynique encore est le jugement de ce dignitaire du septentrion, pourtant proche du régime et s’exprimant sous le sceau de l’anonymat : «Des gens du pouvoir ne veulent pas que cela finisse parce que ça engraisse. Il existe des loups solitaires chez Boko Haram, et il sera difficile de les éradiquer. Le grand Nigeria voisin ne parvient pas encore à mailler son secteur frontalier avec le Cameroun. Sur un plan global, Boko Haram est éclaté et divers démembrements veulent se faire entendre. D’où les incursions épisodiques actuelles.»

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