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CAN-2019: les Fennecs, l’autre fierté du moment pour le peuple algérien

Depuis des mois, l'Algérie vit au rythme des émotions rares que lui procure le mouvement de contestation inédit contre son…

Depuis des mois, l’Algérie vit au rythme des émotions rares que lui procure le mouvement de contestation inédit contre son régime vieillissant. Mais, depuis peu, son peuple s’est trouvé un motif supplémentaire de fierté: le parcours jusqu’ici exemplaire des « Fennecs » à la CAN-2019.

Sortant de sa torpeur, la population algérienne s’est subitement levée en février contre la perspective d’un cinquième mandat du président Abdelaziz Bouteflika, avant d’étendre sa demande de changement à l’ensemble du système au pouvoir.

Aujourd’hui encore, des cortèges massifs sillonnent chaque vendredi le centre d’Alger, en jurant de ne rien lâcher. Et, alors que les étudiants défilent aussi chaque mardi dans les rues de la capitale, Seif Eddine s’en dit persuadé: qualifiée pour les quarts de finale de la CAN, la sélection algérienne de football « tire sa force de celle du Hirak », dit-il en référence au mouvement de contestation.

« Le +Hirak+ (« mouvement ») m’a rendu fier d’être Algérien », poursuit cet étudiant en sociologie, pour mieux relever qu’il en est désormais de même du parcours des Fennecs.

Avec neuf buts inscrits et aucun encaissé en quatre matches, il est vrai que l’Algérie impressionne sur les terrains égyptiens, au point d’être désormais présentée comme le favori de la compétition continentale.

De quoi susciter les comparaisons avec la situation politique du pays?

A l’image de son ami Seif Eddine, Khalil Zendagui, étudiant en droit à Biskra (400 km au sud-est d’Alger), en est convaincu.

« Comme le peuple, la peur a quitté les Verts, ça leur permet de jouer plus sereinement », clame-t-il.

Klaxons, youyous et rassemblements de rue…: dimanche, une fois n’est pas coutume, ça n’est pas la politique qui a amené les Algériens à battre le pavé, mais la démonstration (3-0) des Fennecs lors de leur 8e de finale face à la Guinée –une scène qui promet de se répéter en cas de succès jeudi soir face aux Ivoiriens.

« Les Verts nous ont offert de la fraîcheur et de la joie en ces journées de canicule et de doute face à la crise du pays », dit Asma Brahimi, une autre étudiante.

« Le temps des matches, on peut oublier la crise politique », abonde Ahmed Benbrahim, un enseignant à la retraite.

– Belmadi et les « 4 B » –

En ces temps où le collectif est au coeur des esprits révoltés, cette équipe algérienne est « unie et disciplinée, et les gens commencent vraiment à croire en elle », argue Hocine, un fonctionnaire à la retraite.

« Pour une fois, il y a unanimité sur l’équipe et l’entraîneur », se félicite de son côté Salima Bensaidane, une universitaire, en louant notamment la « compétence » du sélectionneur des Verts, Djamel Belmadi.

Preuve que football et politique ne sont jamais très éloignés, un trait d’esprit parcourt les rues d’Alger en ce 20e mardi de « manif » estudiantine.

Alors que la contestation réclame sans faiblir le départ des « 4B » -le président par intérim Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Noureddine Bedoui, dans le sillage des ex présidents du Conseil constitutionnel et du Parlement Tayeb Belaïz et Mouad Bouchareb–, Samir s’exclame: « le seul B que nous voulons et réclamons, c’est Belmadi! ».

Autour de lui, tout le monde acquiesce.

« Nos Fennecs se frayent un petit chemin comme le peuple depuis le 22 février. (…) Et, comme le Hirak, cette équipe est porteuse d’énormes promesses », résume Messaoud Saidane.

« Mais le plus dur reste à faire », enchaîne aussitôt ce « mordu de foot ».

Yacine Benahmed estime lui aussi qu’il convient pour l’Algérie –dont le dernier titre continental remonte à l’avant guerre civile (1990)– de rester sur ses gardes.

Mais, cette fois, au moins, « le pouvoir ne pourra pas récupérer la victoire des Fennecs, car les supporteurs de football forment le coeur battant du Hirak », relève-t-il.

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