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Climat: face à l’urgence, deux semaines pour donner vie à l’accord de Paris

L'alerte rouge climatique des scientifiques aura-t-elle servi d'électrochoc ? Quelque 200 pays tentent à partir de dimanche en Pologne de…

L’alerte rouge climatique des scientifiques aura-t-elle servi d’électrochoc ? Quelque 200 pays tentent à partir de dimanche en Pologne de donner du souffle à l’accord de Paris, mais les ambitions risquent de ne pas être à la hauteur de l’urgence.

Le dernier bilan de l’agence météorologique de l’ONU est venu jeudi rappeler l’enjeu: ces quatre dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées, favorisant déjà canicules et phénomènes extrêmes (70 cyclones tropicaux recensés jusqu’ici en 2018, au-delà des 53 de moyenne historique).

L’accord de Paris de 2015 vise à contenir le réchauffement mondial sous les +2°C, idéalement +1,5°C, par rapport à l’ère pré-industrielle. Mais le monde a déjà gagné +1°C, et les engagements nationaux actuels de réduction des gaz à effet de serre nous dirigent vers +3°C.

Pour ne pas dépasser +1,5°C, il faudrait des transformations « rapides » et « sans précédent », ont prévenu les scientifiques du Giec en octobre, insistant sur les différences « nettes » avec un monde à +2°C qui subirait plus d’événements extrêmes ou une augmentation du niveau des mers plus forte.

Mais ce coup de semonce peut-il provoquer le branle-bas de combat nécessaire à la transition de l’économie vers la « neutralité carbone » ? Probablement pas à la 24e Conférence de l’ONU sur le climat (COP24) qui se tient à Katowice du 2 au 14 décembre, en pleine région charbonnière, selon les observateurs.

« A l’approche de cette COP, on pense à Néron jouant de la musique en regardant Rome brûler. Le manque de rythme et d’ambitions est tout simplement inacceptable », commente Andrew Steer, expert du World Resources Institute.

L’accord de Paris ne prévoit pas de bilan mondial avant 2023, mais les Etats sont encouragés à présenter pour 2020 des engagements révisés. Et le dialogue politique baptisé « Talanoa », qui doit se conclure à Katowice, est « un premier tremplin » vers cet objectif de hausse des ambitions, note une source proche des négociations.

Les chefs d’Etat et de gouvernement invités lundi pourront donner un premier signe de leurs intentions. Mais peu d’entre eux ont confirmé leur venue à ce sommet d’une journée, à l’exception des Premiers ministres français et néerlandais notamment.

Et « les grands acteurs ne vont rien dire de concret au mieux » avant un autre sommet organisé par le secrétaire général de l’ONU à New York en septembre 2019, prédit Alden Meyer, observateur de longue date des négociations, notant le contexte géopolitique délicat.

Ainsi, le futur président brésilien Jair Bolsonaro a laissé entendre qu’il pourrait sortir de l’accord de Paris, suivant la voie de Donald Trump. Le Brésil vient aussi de renoncer à organiser la COP25 et le président américain a déclaré cette semaine qu’il « ne croit pas » aux effets désastreux annoncés du dérèglement climatique sur l’économie américaine.

– Charbon –

Quant à la Pologne, hôte très attaché à son industrie du charbon, source majeure d’émissions de CO2, sa priorité ne semble pas de revoir les ambitions à la hausse mais l’adoption des règles d’application de l’accord de Paris.

« Sans Katowice, il n’y a pas de Paris », insistait récemment le président polonais de la COP24 Michal Kurtyka.

Ce manuel d’utilisation est « crucial pour enclencher le potentiel » de l’accord de Paris, confirme l’ONU.

Ces règles concernent notamment la « transparence », c’est-à-dire la façon dont les Etats rendent compte de leurs actions, leurs financements, leurs résultats. Ainsi que le degré de flexibilité accordé aux pays les plus pauvres.

Des questions névralgiques toujours susceptibles de faire dérailler les discussions.

Quant aux pays les plus pauvres, ils rappelleront sans aucun doute les pays du Nord à leur promesse de porter à 100 milliards d’euros par an d’ici 2020 leurs financements aux politiques climatiques du Sud.

« Katowice devra avancer sur les financements climat, ou nous nous rapprocherons de la catastrophe », indique à l’AFP Amjad Abdulla, négociateur du groupe des Etats insulaires.

Mais la question finance dépasse les aides Nord-Sud, note Benoit Leguet, directeur du think tank I4CE (Institute for climate finance). L’accord de Paris encourage à rendre tous les flux financiers « compatibles » avec une économie à faibles émissions. « On parle de 5.000 milliards de dollars (…) qu’il faut dévier du marron vers le vert », souligne l’expert.

La Pologne devrait plaider pour une « transition juste » pour les salariés des secteurs qui seront les plus affectés par cette transition, comme son industrie du charbon.

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