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Continuer ou non à manifester? La rue algéroise partagée pour le 45e vendredi

Manifester ou non, pour un 45e vendredi consécutif, alors qu'un nouveau président est entré en fonctions? La rue algéroise a…

Manifester ou non, pour un 45e vendredi consécutif, alors qu’un nouveau président est entré en fonctions? La rue algéroise a semblé partagée vendredi matin, entre les plus déterminés, les partisans du dialogue avec le pouvoir et ceux qui veulent que la contestation s’organise autrement.

Ce flottement s’est traduit par une mobilisation significativement plus faible qu’à l’accoutumée lors de cette manifestation hebdomadaire, certainement une des plus faibles depuis le début, le 22 février, du « Hirak », le « mouvement » populaire, massif et inédit, de contestation du régime en Algérie.

Dans le cortège, on reste néanmoins déterminés. « Le combat continue, le plus important est de maintenir la pression », estime Mohamed, fonctionnaire de 57 ans, qui explique par les vacances scolaires et universitaires d’hiver la baisse d’affluence.

La mobilisation avait déjà faibli durant les vacances d’été, avant de reprendre progressivement à la rentrée.

Une partie du cortège préfère nier l’évidence: « la mobilisation ne faiblit pas », déclare Hassan, fonctionnaire de 56 ans. Certains accusent les journalistes « aux ordres » du pouvoir de travestir la réalité.

Au marché Réda Houhou (ex-Clauzel), Akli, fonctionnaire de 55 ans, assure qu’il irait « marcher, jusqu’à ce que l’on obtienne une véritable démocratie », refusant de reconnaître la légitimité d’Abdelmadjid Tebboune, élu le 12 décembre lors d’un scrutin boycotté par le « Hirak » et boudé par une majorité (60%) de la population.

– « S’organiser et dialoguer » –

Imène Samraoui, enseignante de 45 ans, affirme elle aussi qu’elle ira, après ses courses, « à la manifestation, comme chaque vendredi, pour faire pression sur le pouvoir », déterminée à ne « rien lâcher » jusqu’à « une période de transition » avec des institutions ad hoc chargées de démanteler le « système » au pouvoir depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Le pouvoir a systématiquement balayé cette revendication, présentée par le « Hirak » depuis qu’il a obtenu en avril la démission d’Abdelaziz Bouteflika, après 20 ans à la tête de l’Etat. Et il a imposé durant huit mois comme seule voie de sortie de crise l’élection d’un successeur, un moyen perçu par le Hirak, comme une manoeuvre du « système » pour se régénérer.

La mobilisation, exceptionnelle juste avant l’élection, a marqué le pas le 20 décembre. Et une foule impressionnante a accompagné mercredi jusqu’au cimetière le général Ahmed Gaïd Salah, maître du pays ses derniers mois, décédé d’une crise cardiaque, sidérant de nombreux contestataires pour qui il était le gardien du « système » décrié.

« Ils ont ramené des militaires de tout le pays pour l’enterrement de Gaïd, nous, personne ne nous a ramenés », balaie Akli, commerçant de 35 ans, dans le cortège algérois.

Après avoir manifesté jusqu’au 13 décembre, Kamel, juriste de 45 ans, était désormais plus mitigé, avant le départ du cortège.

« Le gouvernement doit libérer les détenus d’opinion (les personnes arrêtées dans le cadre du « Hirak », NDLR) (…) pour montrer ses bonnes intentions », estime-t-il. De son côté, « le Hirak doit s’organiser et dialoguer. Marcher, c’est bien. C’est une merveilleuse aventure, mais jusqu’à quand? »

– « Il faut avancer » –

Enseignant à Oran (350 km à l’ouest d’Alger), Brahim, 50 ans, en vacances dans la capitale, hésitait lui aussi: « je ne sais pas si je vais marcher. Même si je n’ai pas voté, il y a un président, il faut négocier maintenant, tant que le mouvement est fort ».

Comme d’autres, la situation en Libye voisine, qui a motivé une réunion jeudi soir du Haut Conseil de sécurité (HCS), rassemblant les plus hautes autorités civiles et militaires, le préoccupe.

« La situation est inquiétante aux frontières du pays », s’inquiète aussi Ahmed Doudou, commerçant de 61 ans, sur le marché. « Il faut maintenant veiller à ce que la prochaine Constitution (promise par le président Tebboune, NDLR) reflète la volonté du peuple. Marcher n’a plus aucun sens pour moi. Mais je respecte ceux qui continuent à le faire ».

Plus de manifestation non plus pour Saïd, chauffeur de taxi quinquagénaire: « les élections ont eu lieu, il faut dialoguer maintenant ».

A la boulangerie, Faroudja, retraitée de 65 ans, veut que le « Hirak », mouvement sans structure formelle, s’organise et agisse différemment.

« J’ai marché les premiers mois mais plus maintenant. Pour moi, la phase 2 du +Hirak+, c’est s’organiser pour être une force de changement », explique-t-elle, les gens doivent « se réunir, discuter et s’organiser, au lieu de marcher quelques heures et rentrer chez eux ».

« C’était bien, mais maintenant il faut avancer ».

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