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Covid-19: l’horizon assombri des enseignants du privé au Togo

Dans ce petit pays du Golfe de Guinée, la suspension brutale des cours dans les écoles du fait du coronavirus…

Dans ce petit pays du Golfe de Guinée, la suspension brutale des cours dans les écoles du fait du coronavirus a précipité les enseignants des établissements privés sur un chemin de croix. Reportage.Au Togo, contrairement à d’autres pays, l’école privée ne bénéficie pas de subventions de l’Etat. Les établissements ne vivent que des frais de scolarité. « C’est avec ça qu’on paye les enseignants. Mais depuis fin mars, nous sommes à la maison. Comment allons-nous survivre », se demande Vincent Dossou.

Le désarroi se lit sur le visage de cet instituteur à Aube-Lumière, une école privée de Lomé, la capitale. Son calvaire, c’est le nouveau coronavirus qui l’a charrié. « Acheter même à crédit, c’est un problème. Quelle garantie avons-nous ? C’est difficile de joindre les deux bouts actuellement », avoue cet enseignant qui tient le coup grâce à l’aide de quelques proches et amis.

Tous ses collègues ne sont pas logés à la même enseigne. Les plus chanceux, largement minoritaires, ont perçu leur salaire avant l’arrêt des cours. Pour les autres, c’est une lutte quotidienne pour remonter la pente.

« L’enseignant est un chef de famille qui doit assumer son rôle. En plus, certains ont un loyer à honorer », se lamente M. Dossou.

Dépassé par cette situation inédite, le corps enseignant tire la sonnette d’alarme. « Nous n’avons plus de nouvelles de nos employeurs. Les salaires de mars sont impayés. On n’a plus rien pour subvenir aux besoins de nos familles. L’heure est grave. On risque de mourir de faim et non pas du Covid-19 », avertit Stéphane De Souza, Coordonnateur général du bureau provisoire des enseignants du privé.

Tant bien que mal, des couples essaient de surmonter ces moments difficiles avec une bonne dose d’entraide. « Je remercie ma femme. Pendant tout ce temps, c’est elle qui supporte les charges de la maison », avoue Gilles Kossi Kanabo, professeur de français et d’histoire-géographie dans la capitale.

Ces enseignants comprennent que la fermeture des écoles concourt à un meilleur résultat dans le combat acharné contre l’épidémie. À ce jour, le Togo a déclaré 83 cas dont 5 mortels. « Les écoles sont des lieux de regroupement. Cette mesure est primordiale dans la prévention », admet M. Kanabo. Toutefois, l’enseignant déplore « la lenteur des autorités dans la mise en œuvre des mesures d’accompagnement ».

La patience se rétrécit dans les rangs des enseignants du privé qui dénoncent une « injustice » puisque que le gouvernement a élaboré un programme de soutien en faveur notamment des conducteurs de moto-taxis, des artisans et des marchands ambulants. « Nous ne gagnons pas grand-chose, tout comme nos frères qui conduisent des moto-taxis. Nous sommes délaissés et oubliés. Nous ne savons plus à quel saint nous vouer », fulmine Stéphane.

Une précarité mise à nu

Le coronavirus n’est pas à l’origine des maux des enseignants. Il n’a fait que les exacerber. Au fond, c’est la rémunération de ce métier au Togo qui laisse à désirer. « L’enseignant du privé ne peut pas vivre de son salaire. C’est un salaire de misère », peste Kanabo.

Leurs émoluments sont calculés sur la base du Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) dans ce pays. Ainsi, les salaires sont compris entre 35.000 et 50.000 F CFA.

Directeur du complexe scolaire Georges-Mémorial, Komi Elikplim Tsomdjo indique qu’en temps normal, « les enseignants du privé sont souvent obligés de demander des avances sur salaire pour s’en sortir ».

De ce fait, la plupart des éducateurs sont contraints de dispenser des cours dans plusieurs établissements pour avoir des revenus mensuels acceptables. Il y a aussi les cours de soutien ou de répétition.

« Ils nous permettent de gagner de l’argent pour arrondir nos revenus. Les écoles étant fermées, il n’y a plus rien », se plaint Gilles Kossi. Pour leur part, les parents d’élèves sont de plus en plus effrayés par le spectre de l’année blanche : « Je suis très préoccupé par le sort de mes enfants », confie Sylvestre Akakpo, l’un d’entre eux.

Le ministre des Enseignements primaire et secondaire prévoit de rencontrer prochainement les patrons des écoles privées afin de soulager de toute une corporation.

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