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Crise diplomatique: le ton monte entre Ottawa et Ryad

Le Canada a réaffirmé lundi sa détermination à "défendre les droits humains" dans le monde après l'annonce de l'expulsion de…

Le Canada a réaffirmé lundi sa détermination à « défendre les droits humains » dans le monde après l’annonce de l’expulsion de son ambassadeur à Ryad pour « ingérence », qui a provoqué une crise d’une virulence inédite entre les deux pays.

« Que les choses soient bien claires pour tout le monde (…) le Canada défendra toujours les droits humains au Canada et dans le reste du monde », a déclaré Chrystia Freeland, ministre canadienne des Affaires étrangères, réagissant pour la première fois à l’expulsion annoncée de son ambassadeur à Ryad, Dennis Horak.

Le royaume avait annoncé lundi, à la surprise générale, l’expulsion sous 24 heures de l’ambassadeur canadien à Ryad, le rappel de son propre représentant au Canada, et le gel des relations commerciales entre les deux pays.

Cette décision faisait suite à un tweet de l’ambassade canadienne se disant « gravement préoccupée » par une nouvelle vague d’arrestations de militants des droits de l’homme dans le royaume. Les autorités saoudiennes ont notamment jugé « inacceptable » que les Canadiens réclament la « libération immédiate » des militants.

Mais dans la journée de lundi, Ottawa a maintenu sa ligne ferme sur la question des droits de l’Homme. « Notre politique étrangère, basées sur des valeurs, notre soutien aux droits humains et aux droits des femmes, est une partie essentielle de ce que nous sommes lorsque nous parlons au nom du Canada », a-t-elle martelé.

La ministre s’est une nouvelle fois dite « préoccupée » par la crise en cours. « En ce qui concerne notre relation plus large avec l’Arabie saoudite, nos diplomates ont posé des questions de procédure aujourd’hui, et nous attendons les réponses », a-t-elle dit.

Interrogée lors d’un point presse sur le sort d’un contrat d’achat de véhicules blindés légers d’un montant de 15 milliards de dollars, conclu en 2014, Mme Freeland a estimé que la question était « prématurée » et devait être posée à Ryad.

Face à la fermeté canadienne, Ryad a une nouvelle fois haussé le ton et annoncé de nouvelles mesures: suspension des bourses universitaires pour ses ressortissants au Canada et transfert des étudiants vers d’autres pays.

La compagnie aérienne nationale Saudia Airlines a de son côté annoncé la suspension des vols à destination et en provenance de Toronto, la plus grande métropole canadienne.

Un compte Twitter pro-saoudien a fait scandale en postant -avant de le retirer rapidement- un photo-montage rappelant les attentats du 11-Septembre, avec un avion fonçant vers les gratte-ciels de Toronto. La photo truquée a été rapidement retirée mais le montage s’est rapidement répandu sur les réseaux sociaux. Le ministère des médias a ouvert une enquête.

Le royaume « refuse toute ingérence dans ses affaires intérieures et traitera toute ingérence de façon déterminée », a réaffirmé lundi le ministre saoudien des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir. Il a estimé que les critiques canadiennes « reposaient sur des informations biaisées ».

Ottawa a regretté la décision de l’Arabie concernant ses étudiants. « Je crois qu’il serait vraiment dommage que ces étudiants soit privés du droit d’étudier ici », a dit Mme Freeland.

– « Ne pas se voiler la face » –

La ministre avait elle-même dénoncé dans un tweet, la semaine dernière, l’arrestation de Samar Badaoui, qui a fait campagne pour la libération de son frère, Raef al-Badaoui, un blogueur dissident, et de Walid Abou al-Khair, son ex-mari.

Citoyen saoudien, Raef al-Badaoui est emprisonné depuis 2012 en raison de propos tenus sur son blog.

L’épouse de Raef al-Badaoui, Ensaf Haidar, est installée au Québec depuis l’automne 2013 avec ses trois enfants.

Les arrestations de Samar Badaoui et de sa collègue sont intervenues quelques semaines après celles d’une dizaine de militantes des droits des femmes, accusées de porter atteinte à la sécurité nationale et de collaborer avec les ennemis de l’Etat.

« Le reste du monde ne peut pas se voiler la face alors que la lutte acharnée contre les défenseurs des droits de l’Homme se poursuit en Arabie saoudite », a déclaré l’ONG Amnesty International, appelant d’autres gouvernements à se joindre au Canada pour obtenir « la libération inconditionnelle et immédiate de tous les prisonniers de conscience ».

Le jeune prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a récemment introduit une série de réformes, comme l’autorisation de conduire pour les femmes, visant à redorer l’image souvent austère du royaume au moment où ce dernier prépare sa reconversion après des décennies de « tout-pétrole ».

Parallèlement, le dirigeant de 32 ans mène une politique étrangère agressive, par exemple en appelant au blocage de son voisin du Qatar ou en participant aux bombardements contre les rebelles Houthis soutenus au Yémen par son ennemi et rival l’Iran. Tout en verrouillant toute forme d’opposition dans son propre royaume afin d’asseoir son pouvoir.

Les échanges commerciaux entre les deux pays, à l’avantage de l’Arabie saoudite, se sont élevés à un peu plus de 4 milliards de dollars canadiens (2,7 milliards d’euros) en 2017, selon l’institut officiel Statistique Canada.

« C’est assez marginal », dit à l’AFP Thomas Juneau, expert sur le Moyen-Orient à l’université d’Ottawa.

Le Canada pourrait cependant subir « un impact économique non négligeable », selon M. Juneau, si l’Arabie saoudite décidait d’annuler le contrat d’achat de véhicules blindés légers conclu en 2014.

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