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Crise sociale au Chili: le président renouvelle un tiers de son gouvernement

Le président chilien Sebastian Piñera a procédé lundi à un remaniement gouvernemental et remplacé les très critiqués ministres de l'Intérieur,…

Le président chilien Sebastian Piñera a procédé lundi à un remaniement gouvernemental et remplacé les très critiqués ministres de l’Intérieur, de l’Economie et des Finances, dans une tentative d’apaiser la crise sociale.

Samedi, au lendemain d’une mobilisation historique contre les inégalités socio-économiques qui avait rassemblé plus d’un million de personnes dans le pays, le chef de l’Etat conservateur avait annoncé un rapide remaniement de gouvernement pour « répondre » à la colère des manifestants.

Au total, huit ministres sur 24, soit un tiers du gouvernement, ont été remplacés.

Parmi les sortants figure le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Andrés Chadwick. Ce cousin de M. Pinera faisait l’objet de vives critiques depuis le début de la vague de contestation sociale qui a fait 20 morts, dont cinq par l’intervention des forces de sécurité, et des centaines de blessés.

Il est remplacé par Gonzalo Blumel, 41 ans, jusque-là secrétaire général de la Présidence.

Le ministre des Finances, Felipe Larrain, est remplacé par Ignacio Briones, un économiste libéral de 46 ans. M. Larrain était jugé déconnecté de la réalité quotidienne de nombreux Chiliens pour avoir déclaré en septembre, en annonçant les bons chiffres de l’inflation, que « les romantiques » pouvaient même acheter des fleurs puisque le prix de ces dernières avait baissé.

Enfin, Andrés Fontaine, ministre de l’Economie, est remplacé par le sous-secrétaire aux Travaux publics, Lucas Palacio. Il avait suscité l’ire de la population en lui conseillant de « se lever plus tôt » pour éviter la hausse du tarif du ticket de métro qui concernait spécifiquement les heures de pointe.

Cette augmentation de plus de 3% a été le détonateur de la plus grave fronde sociale depuis plus de trente ans dans ce pays d’Amérique latine.

« Ces mesures ne résolvent pas tous les problèmes, mais il s’agit d’un premier pas important », a déclaré M. Pinera depuis le palais présidentiel de La Moneda.

« Elles reflètent la ferme volonté de notre gouvernement et l’engagement fort de chacun d’entre nous en faveur d’un Chili plus juste et plus équitable sur le plan social », a ajouté le chef de l’Etat, un richissime hommes d’affaires, en fonction depuis mars 2018 après avoir été président une première fois de 2010 à 2014.

– Les « durs » et les « doux » –

Plusieurs dizaines de manifestants, rassemblés devant la Moneda, où le trafic automobile a été suspendu en milieu de journée, ont accueilli les annonces du chef de l’Etat aux cris de « Pinera, escucha, andate a la chucha ! » (Pinera, écoute : va-t-en au diable !).

Le Chili, pays de 18 millions d’habitants réputé pour sa stabilité économique et politique, est en proie depuis le 18 octobre à une vague de contestation sociale inédite depuis la fin de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990).

Vendredi, plus d’un million de personnes se sont rassemblées dans le centre de Santiago et dans plusieurs grandes villes du pays pour protester contre les inégalités sociales engendrées par le modèle économique ultra-libéral instauré sous la dictature et jamais remis en cause depuis le retour de la démocratie.

Avec ce remaniement, « les durs s’en vont, les doux entrent », a résumé à l’AFP Mauricio Morales, politologue à l’Université de Talca, une référence au remplacement des ministres les plus conservateurs par une génération plus jeune et plus ouverte aux préoccupations sociales.

« Il n’y a aucun signe montrant qu’ils souhaitent opérer un changement », a critiqué le sénateur socialiste d’opposition, Carlos Montes.

Ces annonces interviennent alors qu’une mission de l’ONU est attendue lundi au Chili pour enquêter sur des allégations de violations des droits de l’Homme, en particulier pendant l’état d’urgence.

La mesure, décrétée au premier jour des troubles, a finalement été levée dimanche à 00H00 (03H00 GMT) et les milliers de militaires déployés dans la capitale et dans plusieurs régions — une première depuis la fin de la dictature — ont regagné leurs casernes.

Santiago offrait lundi le visage d’un retour à la normale, avec de nombreux embouteillages, alors que de nombreuses stations de métro restaient fermées après avoir été endommagées ou incendiées lors des violences. La plupart des écoles ont également rouvert.

Les protestataires appelaient toutefois à maintenir la pression sur le gouvernement. Un appel à manifester mardi devant le palais présidentiel du La Moneda circulait sur les réseaux sociaux.

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