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Curés pédophiles en Argentine: pour les victimes sourdes-muettes, « ils sont démoniaques »

A 18 ans, Ezequiel Villalonga ne croit plus en l'Eglise. Ce sourd-muet a passé des années à l'institut Provolo de…

A 18 ans, Ezequiel Villalonga ne croit plus en l’Eglise. Ce sourd-muet a passé des années à l’institut Provolo de Mendoza, où il assure que lui et ses camarades ont été victimes de prêtres pédophiles, une affaire qui secoue l’Argentine, le pays du pape François.

« Je pense que tout à l’intérieur de l’Eglise est faux. Tout ce qu’ils nous font lire, réciter, la façon dont (ils disent que) doit se comporter une personne. Je pense qu’ils mentent et qu’ils sont démoniaques », confie ce jeune homme à l’AFP dans la langue des signes, peu avant l’ouverture du procès lundi.

Ce n’est qu’une fois adulte qu’Ezequiel a pu apprendre la gestuelle pour communiquer, car cet établissement catholique spécialisé situé au pied des Andes ne lui avait pas appris la langue des signes.

Il a sept mois lorsque sa mère apprend qu’il est sourd. De 4 à 16 ans, lorsque le scandale a fini par éclater, il fréquente ce grand bâtiment en brique au toit vert, fondé en 1995 à 1.000 km à l’ouest de Buenos Aires. Interne, il ne rentre chez lui que les week-ends.

« La vie là-dedans était terrible. On n’apprenait rien, on ne communiquait pas entre nous, on ne connaissait pas la langue des signes. On écrivait sans savoir ce que ça voulait dire, on demandait alors à d’autres camarades mais personne ne comprenait rien », ajoute-t-il au siège de l’ONG Xumek (« soleil » en langue indigène huarpe) qui lui fournit son avocat.

Son témoignage et celui d’une vingtaine d’autres victimes seront au centre du procès contre les curés Nicola Corradi, 83 ans, et Horacio Corbacho, 59 ans, ainsi que contre le jardinier de l’école, Armando Gomez, 49 ans.

« Je veux qu’ils purgent tous une peine, Corbacho, Corradi et Gomez, pour qu’on soit tous satisfaits », poursuit Ezequiel.

Nicola Corradi est arrivé en Argentine en 1970 en provenance de l’institut Provolo de Vérone, également secoué ces dernières années par un scandale similaire de pédophilie, et a pris en charge le « Provolo » de La Plata (sud).

En 1998, il est transféré à Mendoza, où il restera à la tête de l’institution jusqu’à son placement en détention provisoire en novembre 2016.

Dans cette vaste affaire, l’ancien garçon d’autel Jorge Bordon, âgé de 50 ans, a été condamné l’an dernier à 10 ans de prison après avoir reconnu avoir abusé de cinq victimes. Une quinzaine d’autre accusés doivent être jugés au cours de deux autres procès.

– « Comment ont-ils pu? » –

Paola Gonzalez se brise quand elle se souvient du moment où on lui a confirmé que sa fille Milagros, aujourd’hui âgée de 16 ans, avait été abusée dans cet établissement gratuit, considéré avant le scandale comme prestigieux.

« Vous auriez vu son petit corps lorsqu’elle est entrée (à Provolo). Elle était toute petite. Je ne comprends pas, je n’arrive pas à concevoir autant de méchanceté. Comment ont-ils pu faire du mal à un être aussi fragile? », se demande-t-elle dans sa modeste maison de Mendoza.

Dès que les premiers témoignages de victimes ont été rendus publics, « je lui ai demandé (si ont avait abusé d’elle). Elle s’est juste assise et a mimé qu’on lui déboutonnait et qu’on lui baissait le pantalon, puis elle baissé à nouveau le regard », se souvient cette femme de ménage qui dit avoir transformé sa « douleur en combat ».

« C’est une grand victoire qu’il y ait un procès », souligne-t-elle.

« Il n’y a pas de mots suffisants pour me solidariser avec l’horreur qu’ils ont vécue et qui les a tant blessés. Il faut surtout demander pardon et essayer de guérir le mieux possible, sans haine », déclare à l’AFP monseigneur Alberto Bochatey, évêque auxiliaire de La Plata.

En juillet 2017, il a été nommé par le pape François commissaire apostolique pour se pencher sur la Compagnie de Marie, dont dépendent les instituts Provolo.

« Lorsque j’ai été nommé, la première chose que j’ai faite, ç’a été de me rapprocher des victimes pour demander pardon et on m’a envoyé paître. Jusqu’au jour d’aujourd’hui, je n’ai pas pu le faire », explique-t-il, se disant « très heureux que le procès commence ».

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