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Danemark: une « guerre des nerfs » attend la gauche pour former un gouvernement

Une "guerre des nerfs" attend les sociaux-démocrates danois au lendemain de législatives dont ils sont sortis vainqueurs en participant d'une…

Une « guerre des nerfs » attend les sociaux-démocrates danois au lendemain de législatives dont ils sont sortis vainqueurs en participant d’une surenchère anti-immigration qui ne fait pas l’unanimité dans leur camp, et pourrait les condamner à ratisser large pour gouverner.

Protection sociale, éducation, dépense publique, retraites, immigration: la liste est longue des dossiers que Mette Frederiksen devra négocier pied à pied avec les partis de la gauche et du centre-gauche pour s’assurer le soutien de leurs élus et succéder au poste de Premier ministre au libéral Lars Lokke Rasmussen.

La dirigeante sociale-démocrate « va devoir maintenant montrer si elle a les épaules d’une femme d’Etat et est capable de dépasser les conflits anciens pour saisir les possibilités offertes au centre-gauche par les électeurs », estimait jeudi le quotidien de centre-gauche Politiken qui prédit « une guerre des nerfs ».

Cette apparatchik de 41 ans, plusieurs fois ministre lors du dernier gouvernement social-démocrate (2011-2015), s’est engagée après les résultats à « débattre des priorités politiques avec tout le monde ».

« Plusieurs partis souhaitent une coopération constructive. Nous voulons négocier large », a-t-elle assuré, augurant d’âpres tractations susceptibles de prendre des jours, voire des semaines.

Le Premier ministre sortant a présenté à 11h (09h00 GMT) sa démission à la reine, qui doit ensuite consulter les différents chefs de partis.

« Dans l’après-midi, ils vont [lui] proposer (…) un nom pour former le nouveau gouvernement. Ca sera très certainement Mette Frederiksen, la cheffe des sociaux-démocrates », explique le politologue Rune Stubager, de l’Université d’Aarhus.

Avec 25,9% des suffrages, les sociaux-démocrates sont le premier parti du pays mais ont légèrement reculé par rapport à 2015 et sont affaiblis par la progression des partis de gauche et de centre-gauche.

Le « bloc rouge » parvient à une majorité absolue de 91 sièges sur les 179 que compte le Folketing, le Parlement danois.

Mette Frederiksen a dit souhaiter diriger un gouvernement minoritaire – un classique dans le système proportionnel danois, avec le soutien au parlement de forces d’appoint.

– Nouveau cap –

Ses principaux partenaires seront les partis de gauche, mais elle compte aussi sur la droite sur l’immigration, les sociaux-démocrates s’étant convertis à une politique migratoire restrictive.

« Il va y avoir des négociations intenses sur les conditions pouvant permettre à Mette Frederiksen de devenir Premier ministre », déclare à l’AFP le politologue Flemming Juul Christiansen, de l’Université de Roskilde.

A gauche, plusieurs partis sont favorables à un assouplissement de la politique d’immigration et d’intégration tandis que Mme Frederiksen a promis de maintenir le cap.

Les partis de gauche « vont s’affirmer face à Mette Frederiksen et la presser sur tous les fronts », prédit le quotidien conservateur Jyllands-Posten.

La Liste de l’unité a prévenu: « Pour former un gouvernement avec nos mandats, nous exigerons un nouveau cap sur l’Etat-providence et le climat ».

Mêmes conditions pour le Parti populaire socialiste qui double sa représentation parlementaire avec 7,7% des voix. Principal parti écologiste danois, la formation profite de l’urgence climatique devenue pour la première fois la priorité des électeurs, devant la dégradation du système de santé et le contrôle de l’immigration.

« D’aucuns craignent des négociations gouvernementales qui durent et aboutissent à un compromis bancal comme en Suède et Allemagne », relève Politiken.

– « Borgen » –

Le Premier ministre sortant a appelé à la formation d’un gouvernement au centre, une proposition pour l’instant écartée par la gauche.

« Il y a trop de méfiance entre les deux camps », selon le politologue Rune Stubager.

Les discussions devraient commencer rapidement, peut-être dès jeudi, au Parlement à Christianborg, dit « Borgen », le nom de la série politique à succès qui a révélé par les coulisses le jeu complexe des alliances dans la politique danoise, avec un scrutin proportionnel qui contraint aux compromis.

L’élection a sapé la marge de manoeuvre de la plus grande formation populiste, le Parti populaire danois (DF).

Force charnière de l’échiquier politique danois depuis le début des années 2000, cette formation populiste, eurosceptique et anti-immigration enregistre un cinglant revers, perdant plus de la moitié de ses sièges au parlement monocaméral, à 16 mandats.

Après avoir dicté au Danemark sa politique migratoire pendant vingt ans, le parti qui a rejoint le groupe du Rassemblement national français au Parlement européen, est à bout de souffle. Il est passé à côté de la question climatique et enterré sa revendication de « Brexit » danois.

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