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Dans les villes du Zimbabwe, l’aide ultime rempart contre la famine

Neuf dollars par mois. Dans un Zimbabwe au bord de la faillite économique et brûlé par une sécheresse historique, c'est…

Neuf dollars par mois. Dans un Zimbabwe au bord de la faillite économique et brûlé par une sécheresse historique, c’est le prix de la survie de quelque 20.000 habitants du township d’Epworth, dans les faubourgs de la capitale Harare.

Versée par le Programme alimentaire mondial (Pam) des Nations unies, la coopération britannique et une ONG danoise, cette somme constitue leur ultime rempart face à la famine.

Anna Kubeta en est l’une des bénéficiaires. A 63 ans, malvoyante et presque infirme, elle s’entasse dans une petite maison d’Epworth avec son fils, au chômage, une petite-fille et les trois jeunes enfants de sa sœur, tous en âge scolaire.

Longtemps soutenue à bout de bras par la seule solidarité familiale, la grand-mère a vu son quotidien et celui de sa famille changer grâce à l’aide financière internationale.

Avant « on s’en sortait tout juste », explique-t-elle, « on donnait aux enfants du porridge au goûter, maintenant ils ont du popcorn et des chips et ils sont ravis ». « On peut même se payer de la viande et de la farine », renchérit son fils, Aaron Munyoro.

Selon l’ONU, la sécheresse qui affecte l’Afrique australe depuis plusieurs saisons et la crise économique sévère qui frappe le Zimbabwe depuis une vingtaine d’années ont placé 60% des 15 millions d’habitants du pays en situation d’insécurité alimentaire.

En visite dans le pays, la rapporteur spéciale onusienne sur le droit à l’alimentation, Hilal Elver, a récemment mis en garde contre les risques d’une crise à grande échelle.

– Taxes –

Quelque 5,6 millions de personnes dans les zones rurales du Zimbabwe ont besoin d’aide alimentaire, auxquels il faut ajouter 2 millions de citadins, déjà largement privés de services publics de base, d’eau potable, d’électricité ou d’accès aux soins.

Pour leur venir en aide, le Pam, la coopération britannique et l’ONG danoise DanChruchAid expérimentent depuis juin à Epworth un programme de dons en liquide qui vise près de 4.000 foyers vulnérables, soit environ 20.000 personnes.

« Elles reçoivent chacune 9 dollars par mois pendant quatre mois, utilisés d’abord pour acheter de la nourriture et améliorer leur sécurité alimentaire », détaille la coordinatrice du projet, Susan Marimira, de DanChurchAid.

L’idée est simple, mais sur le terrain elle se heurte aux dures réalités financières du pays.

L’argent est crédité sous forme numérique sur les téléphones portables des bénéficiaires qui, ensuite, le changent en liquide auprès de leur opérateur.

Selon Aaron Munroyo, au chômage depuis quinze ans, ces opérateurs en prélèvent une part pour payer leur service. « Ça peut aller jusqu’à 50% », se plaint-il, « on pouvait acheter plus quand on recevait les dollars en liquide ».

« Les premières aides ont été versées en juin en dollars américains, mais depuis, le gouvernement a interdit l’usage des devises étrangères dans le pays », confirme Mme Marimira.

Le régime du président Emmerson Mnangagwa a prohibé en juin les transactions courantes en dollars américains pour assécher le marché noir et tenter de ralentir une inflation galopante à trois chiffres. Jusque-là en pure perte.

– Budget incomplet –

En plus de donner de l’argent aux personnes les plus menacées, DanAidChurch forme une partie des bénéficiaires à la culture des champignons, afin de prolonger leurs revenus.

« Nous espérons ainsi qu’à la fin des paiements, les familles seront capables de mieux assurer leur subsistance par le biais d’activités qui complètent leur sécurité alimentaire et leurs revenus », explique Chipo Chipudhla, de DanChurchAid.

Mère isolée de trois enfants, Memory Ruvinga, 30 ans, assure ainsi tirer tous les trois, quatre jours jusqu’à 2,5 dollars de sa plantation de champignons. Ces revenus ne suffisent pas à payer les frais de scolarité de ses trois enfants mais permettent au moins de leur fournir trois repas par jour.

« Avant, on ne mangeait qu’à midi et le soir, on n’avait pas les moyens d’un petit-déjeuner », dit-elle.

En quelques mois, le projet du Pam a prouvé son efficacité.

Ses promoteurs ont commencé à l’étendre à 100.000 autres habitants de huit autres zones urbaines menacées par la famine.

Cette assistance doit s’étendre jusqu’en octobre prochain, à condition de trouver l’argent nécessaire. Le mois dernier, le Pam a affirmé ne disposer que d’un tiers des 293 millions de dollars nécessaires à ses opérations au Zimbabwe.

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