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Dans l’ex-RDA, l’extrême droite fait son miel d’espoirs déçus

Une statue géante de Karl Marx domine le centre de la cité de Chemnitz, dans l'ex-RDA. Mais 30 ans après…

Une statue géante de Karl Marx domine le centre de la cité de Chemnitz, dans l’ex-RDA. Mais 30 ans après 1989, c’est l’extrême droite qui s’y nourrit des espoirs déçus de la chute du Mur.

« Ils font comme si l’Allemagne leur appartenait. Ils n’ont même pas à payer de loyer. Ils gagnent 200 euros par enfant… et ils ont souvent sept enfants ! », s’emporte Heide Haenig, 70 ans, en montrant un groupe d’immigrés assis dans un parc.

« Très peu d’entre eux sont de vrais réfugiés. Le reste profite de notre Etat », renchérit auprès de l’AFP Olaf Qunger, un boucher de 62 ans dénonçant une « invasion » d’étrangers.

Chemnitz, où le parti Alternative pour l’Allemagne (AfD) fait campagne ces jours-ci, concentre à elle seule tous les maux de ces régions d’ex-Allemagne de l’Est gagnées par la xénophobie, la frustration à l’égard des « élites » et le sentiment de déclassement.

Le mouvement anti-migrants devrait y connaître, comme dans le reste de la Saxe, une très forte progression dans les urnes dimanche lors d’élections régionales qui serviront de baromètre.

Une poussée au moins identique de l’extrême droite est attendue dans le Land voisin du Brandebourg, qui fragiliserait un peu plus le gouvernement fédéral d’Angela Merkel et compliquerait la formation de gouvernements au plan régional.

– « Tache brune » –

Il y a un an à Chemnitz, le meurtre d’un Allemand, dont un des auteurs présumés, un réfugié syrien, a depuis été condamné et un autre, un Irakien, est en fuite, avait entraîné des affrontements de rues impliquant néo-nazis et hooligans.

La ville « a beaucoup à offrir, elle est très différente de l’image créée il y a un an », plaide la maire sociale-démocrate de cette ville moyenne de 240.000 habitants, Barbara Ludwig. Mais ces manifestations violentes, qui ont donné lieu à de véritables chasses à l’étranger, ont été bien « réelles. Et ça me blesse en tant que citoyenne de Chemnitz », regrette-t-elle.

Il y a quelques mois, l’édile avait déploré que depuis l’été 2018 sa ville soit associée à « la tête de Karl Marx, aux drapeaux allemands et aux saluts hitlériens » aperçus lors de ces manifestations.

Samedi, un meeting d’Alexander Gauland, 78 ans, principal dirigeant de l’AfD, y a fait salle comble.

Celui qui avait naguère estimé qu’Adolf Hitler et son régime nazi étaient de la « fiente d’oiseau » à l’échelle de l’Histoire a pu y dérouler les thématiques privilégiées de la formation d’extrême droite, du contrôle des frontières au climato-scepticisme et la défense des automobilistes.

M. Gauland a surtout attisé le sentiment de déclassement de la Saxe, son Land natal, dont il accuse les médias et habitants de l’Ouest de le dépeindre uniquement comme une « tache brune », celle des nazis, « une région prisonnière du passé ».

– Division –

« La vérité, c’est que la Pologne et la Hongrie, et la Saxe », toutes sorties du joug soviétique, sont « le cœur battant de la liberté et de la résistance, hier et aujourd’hui », a-t-il lancé, lyrique, devant 400 militants.

L’AfD n’hésite pas en effet à assimiler sa lutte à celle menée jusqu’en 1989 contre les dictatures communistes de l’Est.

« Nous sommes le peuple », historique cri de ralliement pro-démocratique à la fin de la RDA, est ainsi devenu un des principaux mots d’ordre contre Mme Merkel et sa politique d’accueil de réfugiés en 2015 et 2016.

La chute du Mur a balayé la RDA, son parti unique, sa police secrète, et permis une hausse du niveau de vie.

Mais elle a également déclenché la fermeture massive d’industries et de fermes d’Etat jugées non compétitives, entraîné des destructions d’emplois et un exode vers l’Ouest de nombreux jeunes.

30 ans après la fin du Mur, l’Allemagne reste scindée en deux: d’un côté, les « Ossis », les habitants de l’Est, dénoncent un écart de richesse persistant et une supposée arrogance du reste de l’Allemagne, et de l’autre, leurs concitoyens de l’Ouest observent avec méfiance ces Länder d’ex-RDA, théâtre régulier de violences racistes depuis la fin des années 80.

« Pourquoi nous ne nous comprenons plus », assène en Une l’hebdomadaire Die Zeit dans sa dernière édition.

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