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Dans l’ouest de l’Ukraine, le patriotisme éclipse les problèmes sociaux

Les prix flambent, les salaires restent faibles, les jeunes partent à l'étranger... La vie n'est pas rose dans l'ouest de…

Les prix flambent, les salaires restent faibles, les jeunes partent à l’étranger… La vie n’est pas rose dans l’ouest de l’Ukraine mais nombre d’électeurs comptent voter pour le président sortant Petro Porochenko, séduits par ses slogans patriotiques.

Malgré ses 88 ans, Olexiï Danylychyn plante encore des pommes de terre dans son jardin dans le village de Gnizdytchiv, à 70 kilomètres de Lviv, bastion nationaliste dans l’ouest du pays.

Pour cet ancien prisonnier du goulag soviétique, le président sortant « a fait renaître l’armée et la foi », son atout principal face au grand favori du scrutin, le comédien et entrepreneur Volodymyr Zelensky, novice en politique.

La retraite de M. Danylychyn et celle de son épouse, réunies, dépassent à peine 185 euros et « ne suffisent que pour acheter des produits de première nécessité ». Mais pour le retraité, ce n’est pas le principal: « Porochenko est éduqué et parle plusieurs langues. Zelensky n’arrive même pas à apprendre l’ukrainien ».

Même son de cloche chez un autre octogénaire, Ivan Mykytchyn: « C’est dur », avoue-t-il, citant en exemple son médicament contre l’hypertension, dont le prix a presque doublé depuis décembre. « Mais nous devons soutenir Porochenko », affirme-t-il.

– Préoccupations économiques –

Sans expérience politique, Volodymyr Zelensky, 41 ans, s’est imposé comme la surprise de la présidentielle ukrainienne, en devançant largement au premier tour Petro Porochenko, arrivé en première position seulement dans deux régions occidentales, dont Lviv.

La victoire du comédien semble très probable: un sondage publié mardi lui accorde au second tour 72% des intentions de vote contre 25% pour son rival.

Arrivé au pouvoir dans la foulée d’un soulèvement pro-européen à Kiev en 2014, M. Porochenko a rompu avec la Russie, rapproché son pays de l’Occident, contribué à la création d’une Eglise orthodoxe indépendante de Moscou et entrepris une série de réformes qui n’ont toutefois pas transformé véritablement le quotidien des Ukrainiens.

Ses détracteurs l’accusent d’avoir peu fait pour lutter contre la corruption omniprésente et pour le niveau de vie de la population, éprouvée par cinq ans de difficultés économiques dans ce pays de 44 millions d’habitants, l’un des plus pauvres d’Europe.

Le pays a dû faire face en 2014 à l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie puis à un conflit avec des séparatistes prorusses dans l’Est, qui a fait plus de 13.000 morts et mis à rude épreuve les finances de l’Etat.

Les principales préoccupations des Ukrainiens restent toutefois économiques: selon un sondage, une majorité d’entre eux souhaitent que la première mesure du nouveau président soit de baisser les charges communales, qui ont drastiquement augmenté ses dernières années.

– Départs à l’étranger –

A Gvozdytchiv, c’est davantage le départ de la main d’oeuvre à l’étranger qui inquiète les autorités locales: près d’un cinquième des 6.200 habitants de la commune travaillent en Pologne voisine, en République tchèque ou en Italie.

« A l’étranger, ils touchent au moins 500 euros mensuels. Ici, c’est 200 à 250 euros », relève Ivan Oliar, responsable de la commune regroupant cinq villages.

Selon les chiffres officiels, près de 900.000 Ukrainiens résidaient en Pologne en 2017, et 200.000 autres s’y trouveraient de manière illégale.

Torse nu dans son jardin, Viktor, 40 ans, a travaillé dans la construction en Pologne mais a décidé de retourner en Ukraine après avoir perçu des « améliorations ». « Les gens veulent tout obtenir en un instant. C’est impossible », raisonne-t-il.

Oksana Romankiv, une responsable locale, est aussi optimiste face aux projets en cours: réparation des routes, constructions de silos à grains ou encore réouverture d’une école de musique, dus à la politique de décentralisation lancée en 2015, l’un des rares succès des autorités de Kiev.

« Nous pouvons parvenir à de grands succès, mais seulement si l’on travaille ensemble », assure cette femme de 39 ans.

A la porte de l’unique bureau de vote de Gnizdytchiv, les résultats du premier tour sont affiché: M. Porochenko est en tête avec 262 suffrages au premier tour. M. Zelensky, lui, figure en quatrième position avec 93 voix. « Qui a voté pour lui? », s’étonne un homme âgé.

Le responsable local Ivan Oliar a un avis encore plus tranché: « Si Zelensky est élu, l’Ukraine sera ruinée ».

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