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Des chants, des danses et des larmes, pour un vol historique entre l’Ethiopie et l’Erythrée

A peine le signal "attachez vos ceintures" s'est-il éteint que les passagers du vol historique entre l'Ethiopie et l'Erythrée ont…

A peine le signal « attachez vos ceintures » s’est-il éteint que les passagers du vol historique entre l’Ethiopie et l’Erythrée ont commencé à chanter et à danser dans le couloir de l’avion.

Lui-même radieux, et complètement débordé, le personnel de bord s’est efforcé de contenir la joie des passagers de l’un des deux vols qui ont relié mercredi les capitales des anciens ennemis de la Corne de l’Afrique, pour la première fois depuis vingt ans.

« Je suis surexcité. Vous ne pouvez pas imaginer », lance Izana Abraham, un Erythréen de 33 ans né à Addis Abeba, ce qui l’a tenu éloigné de son pays pendant la sanglante guerre qui a opposé les deux pays de 1998 à 2000. « C’est l’histoire en marche ».

Izana rend visite à son père à Asmara. Tous deux étaient séparés depuis et ne se sont revus que l’année dernière à Dubaï.

L’appareil d’Ethiopian Airlines a décollé d’Addis Abeba moins de deux semaines après que l’Ethiopie et l’Erythrée eurent mis fin officiellement à vingt ans d’état de guerre, scellant un processus de paix spectaculaire lancé le mois dernier.

A Addis Abeba, du champagne et des roses fraîches ont été distribués aux passagers de toutes les classes avant que l’avion, « l’oiseau de la paix », comme l’a surnommé la compagnie, ne s’élève dans les airs.

Lorsqu’il a atteint son altitude de croisière, les passagers ont commencé à chanter, à applaudir et à s’embrasser, et un musicien à jouer d’un instrument à cordes traditionnel connu sous le nom de kirar.

– Retrouvailles émues –

Tariq Sabt, un homme d’affaires de 41 ans, a déclaré à l’AFP qu’il espérait reprendre contact avec son cousin Daniel Alemu qui a vécu à ses côtés comme un frère avant de déménager en Erythrée en 1995. Il y est resté coincé lorsque la frontière entre les deux pays a été fermée quelques années plus tard.

Tariq Sabt a réussi à parler à Daniel dimanche pour la première fois depuis qu’ils ont perdu contact, les liaisons téléphoniques ayant été rétablies entre les deux pays dans le cadre de leur spectaculaire rapprochement.

« Toute la famille disait qu’il était déjà mort. Personne ne s’attendait à ce qu’il soit vivant », a déclaré Tariq, qui veut ramener son cousin en Ethiopie.

Le processus de paix est  » bon pour les Erythréens parce que leur économie n’est pas très bonne. Maintenant nous pouvons construire nos économies ensemble », a-t-il dit.

Alors que l’avion descendait sur Asmara, un site du Patrimoine mondial célèbre pour son architecture coloniale italienne, un musicien s’est glissé dans le couloir et s’est mis à danser, jusqu’à ce qu’un employé d’Ethiopian Airlines le reconduise à son siège.

Une fois arrivés, les passagers ont dansé sur le tarmac, avec une foule en liesse venue les accueillir, chacun agitant un drapeau de son pays.

Puis les Ethiopiens et des membres de leurs familles qu’ils n’avaient pas vus depuis longtemps se sont embrassés, en larmes.

Un journaliste éthiopien – qui faisait partie de l’important contingent de journalistes autorisés à se rendre dans ce pays isolé -, a retrouvé ses deux filles qui étaient si bouleversées qu’elles sont restées assises, en sanglots, sur un trottoir du parking de l’aéroport.

Non loin de là, Kahsay Negusse, un Erythréen, regardait sa femme en larmes prendre dans ses bras Yemane, un cousin tout juste arrivé d’Addis Abeba, qu’elle n’avait pas revu depuis longtemps. « C’est vraiment merveilleux », dit-il.

Interrogé sur la manière dont ils avaient été séparés il a expliqué : « Ils étaient à Addis, nous étions ici. La guerre a commencé, il n’y avait pas de communication ».

« Vous pouvez voir comme la famille est heureuse », dit-il.

Il avait emporté avec lui un annuaire de son école pour montrer qu’il avait été en classe avec l’ancien Premier ministre éthiopien Hailemariam Desalegn qu’il espérait saluer à sa descente d’avion.

– Déception –

Tout le monde n’était pas heureux cependant.

Sur le tarmac, Addisalem Taye Bekele est tombée dans les bras d’un étranger, en sanglots.

Elle avait désespérément espéré que quelqu’un lui apporterait un message de son père, un soldat dont elle a été séparée lorsque la frontière a été fermée. Mais aucun message n’est venu.

Tedros Tsegaye, qui a combattu pour les Erythréens avant d’être capturé et expulsé d’Ethiopie, espérait quant à lui que des membres de sa famille restés derrière lui seraient dans l’avion. Mais il les a attendus en vain.

« Cela fait 20 ans. Toujours pas de communication avec ma famille », dit-il. « Cette fois-ci, je ne pense pas que ma famille viendra ».

Mais il s’est promis d’attendre à l’aéroport « tous les jours, jusqu’à ce qu’ils arrivent ».

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