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Des dizaines de milliers de Nigérians célèbrent la déesse de l’eau, « mère de l’humanité »

Comme chaque année depuis 32 ans, la prêtresse Osundele Okugbesan a rejoint vendredi la foule immense de fidèles et de…

Comme chaque année depuis 32 ans, la prêtresse Osundele Okugbesan a rejoint vendredi la foule immense de fidèles et de prêtres au bois et à la rivière sacrés d’Osogbo, dans le sud-ouest du Nigeria, pour célébrer Osun, grande déesse yorouba de la fertilité et de l’eau.

« Je suis habillée en rivière », dit-elle en montrant sa grande robe bustier blanche, qui flotte sur ses jambes, et ses longs colliers de perles, qui tombent sur sa poitrine.

D’autres femmes de sa congrégation qui l’accompagnent ont cousu des coquillages à leur robe brodée, ou se sont tatoué des poissons sur le corps.

Elles se préparent pour cette grande journée annuelle de pèlerinage de la religion yorouba, un groupe ethnique millénaire originaire d’Afrique de l’Ouest qui compte aujourd’hui environ 40 millions de personnes, dont l’immense majorité vit au Nigeria.

« Tu ne décides pas de devenir prêtre ou prêtresse d’Osun », explique cette mère de famille d’une cinquantaine d’années, serrant la main de sa petite fille, le visage moitié noir, moitié albinos.

« Vous voyez, ma fille, c’est l’esprit qui l’a choisie. Elle aussi un jour, ce sera une grande prêtresse d’Osun », lance-t-elle, énigmatique, avant de se réfugier dans l’autel sacré, à côté du palais royal, pour préparer les offrandes et les sacrifices à la grande déesse du Panthéon yorouba: un mélange de poudre ocre, des poulets sacrifiés, de chips et de gin.

Les battements des tambours et des coups de vieux fusils s’envolent dans les airs et leur son envoûtant enveloppe la grande ville d’Osogbo.

La foule ne cesse de s’agrandir et bientôt des dizaines de milliers de personnes paradent entre les maisons jaunes à étages délabrées, construites par les anciens esclaves revenus du Brésil et des Antilles.

– Sacrifices et noix de kola –

Ils accompagnent , vierge dont le visage est recouvert d’un épais tissu brodé, jusqu’à la rivière où vit l’esprit de la déesse de l’eau, femme de Sogo, dieu du feu et du tonnerre.

La jeune fille était autrefois sacrifiée pour apporter prospérité et fécondité à la communauté, mais aujourd’hui elle ne fait que déposer des offrandes et des poulets décapités dans le lit de la rivière sacrée.

Sur la rive, à l’ombre des arbres centenaires de la forêt sacrée – classée au Patrimoine mondial de l’humanité depuis 2005 -, une femme lit l’avenir dans les noix de kola, pendant que des centaines de personnes viennent récupérer de l’eau dans des bidons en plastique.

Des femmes, en transe, doivent être tenues de force pour ne pas se noyer en s’offrant à la rivière.

Des images renvoyant à d’autres siècles et d’autres temps, si les publicités pour une grande marque de télécoms ou pour de la liqueur « bénie » en sachet ne ramenaient à la réalité capitaliste du 21ème siècle.

Ni les jihads successifs des musulmans venus du Sahel, ni les missionnaires chrétiens portugais puis anglais, ni même les récents pasteurs évangélistes, ne sont parvenus à étouffer la croyance en la belle Osun et en ses pouvoirs surnaturels, notamment pour aider les femmes à être enceintes.

– ‘Croire en plusieurs dieux’ –

« La religion traditionnelle n’a pas été tuée par les religions modernes, car elle est trop profondément ancrée chez les Yoroubas pour être détruite », écrivent les chercheurs Saskia Cousin et Jean-Luc Martineau dans les Cahiers d’études africaines.

« Moi je suis chrétienne, musulmane et traditionaliste », dit en souriant Ayodele Folasade, employée du musée d’Osogbo. « Je fais mes cinq prières par jour à Allah, le dimanche je prie Jésus Christ, mais je vais aussi me recueillir au bord de la rivière pour parler à Osun plusieurs fois par mois », poursuit-elle, dans un anglais parfait.

« Dans la culture yorouba, on dit que si tes prières ne sont pas exhaussées avec un dieu, essaie les autres! ».

« Les pasteurs ou les imams disent que ce n’est pas bien de croire en plusieurs dieux, mais presque tous, quand on en a besoin, on va prier Osun en cachette », explique Ayodele.

Omitola Babaosha lui, ne croit que dans les dieux traditionnels et, contrairement à l’immense majorité de ses frères Yoroubas, il ne s’en cache pas.

« Je suis très fier de mon héritage et je me fiche de ce que peuvent dire les autres sur moi », confie l’homme, dans une grande tunique blanche.

« On peut croire en n’importe quel Dieu, se vouer à n’importe quelle croyance, mais à la fin du compte, on a tous besoin d’eau pour vivre », explique M. Babaosha.

« Nous sommes tous les enfants d’Osun », poursuit-il, main dans la main avec son épouse, en marchant dans la foule.

« Aller à la rivière pour la célébrer, c’est surtout une manière de dire merci à la nature pour sa création. »

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