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Des « Transports Roses » aident les Afghanes à circuler dans une société conservatrice

Parisa Haidary se cale derrière le volant, se débarrasse de ses talons hauts et enfonce la pédale d'accélérateur avec son…

Parisa Haidary se cale derrière le volant, se débarrasse de ses talons hauts et enfonce la pédale d’accélérateur avec son pied en chaussette, pour engager prudemment son minibus de dix places dans le trafic toujours congestionné de Kaboul.

La mère de famille, qui travaille pour un service de bus réservé aux femmes, garde le sourire sous le regard interloqué des autres usagers de la route, tous masculins.

« Il y a beaucoup de réactions différentes », dit-elle. « Certains automobilistes me coupent la route, d’autres klaxonnent, certains roulent même côte à côte même quand la rue est vide ».

Une femme au volant est extrêmement rare dans cette société ultra-patriarcale. Mme Haidary est l’une des quatre employées de Pink Shuttle (Transports Roses), un projet pilote de minibus employant uniquement des femmes pour en transporter d’autres avec leurs enfants à travers la capitale.

« J’adore conduire et mon travail m’intéresse. Notre seule préoccupation est la sécurité. Nous ne devons pas avoir peur », dit Mme Haidary.

Cette ancienne maquilleuse âgée de 36 ans, qui a aussi travaillé comme journaliste, a été choisie avec trois autres parmi cent candidates.

Pink Shuttle veut aider les femmes à se déplacer dans Kaboul, où au manque de transports s’ajoute le risque de harcèlement.

« Nous avons un problème de transport pour les femmes. En fait, il n’y a pas de service public de transport », dit le coordinateur du projet, Obaidullah Amiri.

Pink Shuttle est géré par Nove Onlus, une ONG italienne qui bénéficie d’un soutien financier du styliste et entrepreneur Renzo Rosso.

Le projet, qui a aussi le soutien de l’Agence américaine internationale pour le développement (USAID), va se développer selon M. Amiri.

Le service, actuellement offert gratuitement à une clientèle pré-sélectionnée, espère devenir rentable d’ici deux ans.

– Un trafic effrayant –

Selon Khan Mohammad Shinwaray, un responsable du Département de la circulation à Kaboul, le nombre de femmes conduisant dans la capitale augmente, avec 275 permis délivrés au premier semestre de cette année.

A comparer aux seulement 1.189 femmes qui ont obtenu ce document entre 2012 et 2016, selon Nove Onlus.

« C’est un changement positif de voir des Afghanes conduire à Kaboul », dit M. Shinwaray, assurant ne voir « aucun obstacle à ce que les femmes deviennent des conductrices ».

Affronter le trafic de Kaboul n’est pas une mince affaire, avec des bouchons soudains pouvant durer des heures.

La signalisation routière est quasi inexistante, la plupart des rues n’ont pas de nom et les conducteurs empruntent volontiers les voies à contre-sens. C’est le plus gros véhicule qui a généralement la priorité.

Le trafic a empiré avec la réduction du nombre de voies accessibles résultant du découpage de la ville en ghettos sécurisés contre les attentats par des enceintes de béton pare-éclats.

Quand les talibans ont pris le pouvoir dans le pays en 1996, les femmes ont été cantonnées à domicile et privées d’éducation.

Après leur fuite en 2001 avec l’invasion américaine, l’égalité des sexes a été inscrite dans la Constitution afghane mais les discriminations restent une réalité.

Fatima Mohamadi, 31 ans et conductrice depuis quatre ans, dit apprécier la liberté de prendre le volant, mais se plaint de harcèlement au quotidien sur la route.

« Généralement je garde mes vitres fermées. Quelquefois quand un autre conducteur ou un passant sourit ou dit +Bravo+, ça ressemble à du harcèlement ».

Mais elle redoute néanmoins que le droit de conduire lui soit retiré si les talibans reviennent au pouvoir.

« J’espère qu’ils ne sont pas le même groupe qu’avant. S’ils appliquent les mêmes règles, nous perdrons notre travail », s’inquiète Mme Haidary.

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