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Deux ans après le coup d’Etat, les Zimbabwéens se sentent trahis

"On pensait que c'était la fin d'une époque. Qu'est-ce qu'on a eu tort !", résume Linos Mutepera, un ingénieur zimbabwéen…

« On pensait que c’était la fin d’une époque. Qu’est-ce qu’on a eu tort ! », résume Linos Mutepera, un ingénieur zimbabwéen au chômage, qui avait célébré il y a deux ans la chute du président Robert Mugabe, tombé après un règne de près de quatre décennies.

« Personnellement, j’ai cru que ceux qui prenaient le pouvoir allaient appliquer ce qu’ils avaient dit: relancer l’économie et créer des emplois », se rappelle cet homme de 33 ans, assis dans un marché en plein air à Harare, la capitale.

« On a été utilisés, on a été trahis », dit-il à l’AFP.

Le 21 novembre 2017, le président Mugabe, qui semblait indéboulonnable, avait démissionné après un coup de force militaire, soutenu par son parti, la Zanu-PF, et la rue.

Sa chute avait suscité un immense espoir parmi la population, épuisée par des années de crise économique et la répression du régime.

En 2017, « on était tous ensemble, jeunes, vieux, riches, pauvres, Noirs, Blancs, à agiter le drapeau zimbabwéen (…), en se tenant la main dans un signe d’unité jamais vu auparavant » dans le pays, se souvient Linos Mutepera.

Il a vite déchanté.

A peine au pouvoir, le successeur de Robert Mugabe, Emmerson Mnangagwa, issu lui aussi de la Zanu-PF, a promis un « nouveau chemin », assurant que la relance de l’économie était sa priorité absolue.

Mais « les choses sont allées de mal en pis », estime Tony Hawkins, professeur d’économie à l’université du Zimbabwe. « Les gens sont de plus en plus pauvres et des milliers de personnes perdent leur emploi. »

« La situation économique s’est dégradée et sur le plan politique, rien n’a changé, si ce n’est que l’armée est de plus en plus visible et puissante », ajoute-t-il.

Depuis un an, le pays a renoué avec les pénuries, notamment d’argent liquide, d’essence et de médicaments, ainsi que l’hyperinflation: près de 300% en août, selon le Fonds monétaire international (FMI).

– « Retour à la case départ » –

Le quotidien des Zimbabwéens relève du cauchemar.

Le secteur de la santé est aux abois. Les médecins du public ont entamé en septembre une grève pour demander une revalorisation de leurs salaires qui ont perdu, selon eux, quinze fois de leur valeur en un an.

Le régime Mnangagwa dirige, à son tour, le pays d’une poigne de fer. Plus de 200 médecins grévistes ont été récemment révoqués. En janvier, des manifestations contre le quasi-triplement du prix des carburants ont été violemment réprimées, faisant au moins 17 morts.

« On est revenus à la case départ avec un changement de chauffeur aux commandes du même bus », résume Tony Hawkins.

Les Zimbabwéens ont pensé que la chute de Robert Mugabe, âgé de 93 ans au moment de sa démission, était synonyme de « la chute du système Mugabe tout entier », estime Daniel Molokele, porte-parole du principal parti d’opposition, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC).

« Deux ans après, il y a du désespoir (…), de la déception (…). Les gens pensent que demain sera pire qu’aujourd’hui. »

La situation est tellement dramatique qu’à la mort, en septembre cette année, de Robert Mugabe, décédé à l’âge de 95 ans des suites d’un cancer, de nombreux Zimbabwéens ont regretté son règne.

La population « préfèrerait revenir à 2017, non pas que Mugabe était meilleur (que l’actuel président), mais parce que les gens sont beaucoup plus pauvres aujourd’hui », estime Daniel Molokele. « Il y a beaucoup plus de corruption ».

« Il n’est jamais été question du bien commun », regrette l’analyste politique Alexander Rusero. « Il s’agit avant tout de la clique politique de la Zanu-PF et de la préservation de ses richesses. »

« A partir du moment où vous avez des militaires qui entrent en politique, souligne-t-il, rien de bon ne peut en sortir ».

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